Les journalistes de l’Ajef dénoncent le « bricolage législatif » du Sénat sur la liberté d’expression
Publié le 15 octobre 2016Le 18 octobre, les sénateurs enterreront peut-être la loi de 1881 sur la liberté de la presse, lors du vote du projet de loi Egalité et citoyenneté. Sous prétexte de lutter contre les abus d’internet, ils s’apprêtent à remettre en question ce texte fondateur, sans concertation préalable avec les représentants des journalistes. Les SDJ de […]
Le 18 octobre, les sénateurs enterreront peut-être la loi de 1881 sur la liberté de la presse, lors du vote du projet de loi Egalité et citoyenneté.
Sous prétexte de lutter contre les abus d’internet, ils s’apprêtent à remettre en question ce texte fondateur, sans concertation préalable avec les représentants des journalistes. Les SDJ de 26 médias et plusieurs associations de journalistes avaient lancé un appel pour obliger le Sénat à revoir sa copie. Mais il est resté sourd à notre appel.
Certes, il a aménagé le texte liberticide, mais la nouvelle mouture reste inacceptable.
La prescription des délits de presse (trois mois, aujourd’hui) passerait à un an pour les sites web. Autrement dit, il y aura une justice à deux vitesses : pour la presse en ligne, ce sera toujours un an; pour les télévisions et les radios, la prescription sera de trois mois pour l’antenne et d’un an en ce qui concerne les podcasts et les replay. Inacceptable.
Le texte prévoit toujours de supprimer une garantie fondamentale des droits de la défense. Aujourd’hui, c’est à celui qui s’estime diffamé ou injurié de préciser exactement par quel passage, et de qualifier le délit (injure, diffamation ou autre). S’il se trompe, son action est déclarée nulle par le tribunal. Or, le Sénat ouvre la voie à des poursuites dans lesquelles le journaliste devra se défendre sans savoir exactement ce qui lui est reproché. Inacceptable.
Pour le Sénat, les journalistes professionnels ne pourraient pas faire l’objet d’actions judiciaires sur le terrain de la faute civile. Mais cette concession apparente est un leurre : nos sources, elles, seront pleinement soumises au risque d’une action en responsabilité civile, qui pourrait les dissuader de s’exprimer au vu des dommages et intérêts élevés. Les sociétés éditrices des journaux le seront tout autant. Inacceptable.
La liberté d’expression est une liberté fondamentale qui mérite beaucoup mieux que ce bricolage législatif. Nous, sociétés et association de journalistes, réitérons notre appel à la mobilisation la plus large contre un projet de loi liberticide qui met en péril l’un des piliers de la démocratie, consacré par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme.
Signataires : Le Figaro, Le Monde, l’AFP, Les Échos, Télérama, L’Obs, Le Point, L’Express, Mediapart, La Quadrature du net, France Info.fr, Capa, i-Télé-Canal +, BFM, Bastamag, ainsi que l’association de la presse judiciaire, l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS) et l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF).