Petit-déjeuner avec Xavier Timbeau, Directeur du Département analyse et prévision de l’OFCE, et David Thesmar, professeur de Finances à HEC

Publié le 26 mars 2014

Le mardi 25 mars 2014, nous avons eu le plaisir d’accueillir Xavier Timbeau, Directeur du Département analyse et prévision de l’OFCE et David Thesmar, professeur de Finances à HEC, sur le thème « La polémique autour de l’économie de l’Offre »

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­- Trois voies s’offrent à l’Europe pour sortir de la crise et réduire sa dette (D.Thesmar). ­
– La dévaluation fiscale n’est pas une véritable politique de l’offre (X. Timbeau).

Selon David Thesmar, trois voies possibles s’offrent à l’Europe pour résorber la dette que les États, les banques et les ménages ont accumulée depuis quelques dizaines d’années. La première correspond à une dilution de la dette, par une augmentation de l’inflation. Elle est néanmoins rendue difficile par les capacités limitées des banques centrales, qui ne peuvent pas jouer directement sur les anticipations des acteurs.

La seconde possibilité, difficile mais envisageable, est celle de la restructuration de la dette, qui se traduirait par un allongement de ses échéances et donc une réduction de sa valeur.

Enfin, une troisième perspective, celle d’une accélération de la croissance pourrait être envisagée sur le court terme grâce à une politique de relance budgétaire. Néanmoins, bon nombre de pays européens y sont fermement opposés. A contrario, les pays les plus endettés ont dû mettre en œuvre des politiques d’austérité sans qu’il existe de budget européen pour les soulager. L’hétérogénéité entre les différents pays membres de la zone euro, ajoutée à la crainte d’une situation d’aléa moral, empêchent l’émergence d’un espace de solidarité transnational.
C’est finalement une logique d’opposition qui prévaut souvent entre les États souverains « incapables de signer des contrats contraignants » entre eux.

Pour le professeur de finance, des obstacles plus structurels viennent également entraver la voie d’une accélération de la croissance. En effet, on observe un rapprochement de la frontière technologique à la fois aux États­Unis et en France. Autrement dit, la progression de la productivité globale des facteurs s’essouffle. Selon David Thesmar, cela s’explique par l’émergence d’une production de plus en plus immatérielle. En découle une économie plus difficile à comptabiliser, marquée par l’essor du secteur non marchand, de l’économie numérique et les changements que cela suppose en terme de propriété intellectuelle et de décloisonnement du savoir.
Xavier Timbeau partage cette idée et souligne que le développement de biens et services non rivaux complique la captation des revenus fiscaux.

Concernant la politique de l’offre menée par François Hollande, le directeur du Département Analyse et Prévision de l’OFCE estime qu’elle est proche de celle de son prédécesseur Nicolas Sarkozy. Dans les deux cas, le mécanisme mis en place s’apparente à une dévaluation fiscale, qui consiste à améliorer la marge des entreprises, grâce au prélèvement d’un impôt distinct. Cela octroie alors un avantage compétitif aux entreprises françaises au niveau international.
Xavier Timbeau souligne, par ailleurs, que la dévaluation fiscale, considérée comme un soulagement de court terme créateur d’inflation sur le moyen terme, n’était pas préconisée par les économistes de l’offre il y a 30 ans. Selon lui, une politique de l’offre efficace aurait nécessité une réflexion plus globale sur la fiscalité. Or aujourd’hui, les 20 milliards d’euros dépensés pour le CICE (Crédit d’impôt Compétitivité Emploi), ajoutés aux « 10, 20, 30 milliards pour le pacte de responsabilité » paralysent finalement le levier fiscal d’une véritable politique de l’offre.

Pour l’économiste de l’OFCE, la contraction généralisée de l’horizon temporel, qui caractérise l’activité en temps de crise, justifie le recours à une politique de relance par la demande. En effet, dans une telle situation, l’État est le seul capable d’élargir cet horizon ,en augmentant les dépenses publiques et en injectant de l’argent dans l’économie.

À l’inverse, mettre en œuvre des restrictions budgétaires peut renforcer la crise sous l’effet d’un multiplicateur élevé pouvant atteindre 2 ou 3 en période de récession. Le financement de la dette par les marchés financiers interdit, de fait à certains États de s’endetter davantage et donc de procéder à une politique de relance à court terme. Or cela conduit à un renforcement de la crise, comme en Espagne ou en Grèce. Pour sortir de cette impasse, le Manifeste pour l’union politique de l’euro dont Xavier Timbeau est co­signataire, propose de substituer aux mécanismes actuels de marché, et « aux règles contingentes » fixées par le Pacte de stabilité et de croissance, un cadre institutionnel démocratique supranational.
Selon lui, un Parlement représentatif de la zone euro pourrait bénéficier d’une légitimité suffisante pour faire respecter les contrats de dettes, en assurant une forme de coercition vis­à­vis des États free riders, quitte à organiser leur sortie de l’union monétaire.