Petit-déjeuner avec Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des Marchés Financiers
Publié le 21 décembre 2011Le mardi 20 décembre 2011, nous avons eu le plaisir d’accueillir Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorités des Marchés Financiers (AMF), sur le thème « Crise financière et régulation des marchés financiers : comment les politiques peuvent-ils reprendre la main ? »
L’Union européenne a toujours un temps de retard.
Il manque au Sommet du 9 décembre volet sur la croissance. Plutôt que renégocier un traité, mieux vaudrait le compléter.
Le maintien du triple A de la France « tiendrait du miracle » mais Jean-Pierre Jouyet veut « y croire».
Après avoir rappelé les conséquences néfastes d’une financiarisation excessive de l’économie, Jean-Pierre Jouyet attend des politiques qu’ils « reprennent la main ». Tout en reconnaissant qu’on est encore loin d’un consensus pour y parvenir. Le constat est pourtant préoccupant : les hedge funds ne seront encadrés qu’à partir de 2013 et auront jusqu’en 2018 pour s’adapter. Autant dire qu’ils « auront encore le temps de travailler » en toute opacité, comme, au total, 50% des opérations de marché. Et la situation de « l’industrie financière est difficile » compte tenu des nouvelles contraintes prudentielles de Bâle III ce qui pousse à une forte décollecte sur les OPCVM (30 milliards d’euros l’an dernier et sans doute 15 milliards en 2012). Un problème de liquidité des banques va se poser.
Pour le président de l’Autorité des Marchés Financiers, si les attaques sont concentrées sur la zone euro, si les plans à répétition ne suffisent pas à restaurer la confiance et à convaincre les marchés, c’est qu’en dépit de progrès, « l’Union Européenne a toujours un temps de retard ». Ainsi, le Sommet du 9 décembre a permis de franchir un pas. Mais il manque « un volet croissance », au côté du volet « purge » des finances publiques. Bref, « Plutôt que renégocier le traité, mieux vaudrait le compléter ». Comme il est urgent d’avoir un seul et même président de l’Union et de la zone euro, « peu importe qu’il s’agisse de Herman Van Rumpoy ou de Jean-Claude Juncker ».
Sur cette toile de fond préoccupante, le maintien du triple « A » de la France, « tiendrait du miracle », a estimé Jean-Pierre Jouyet, tout en assurant vouloir encore « y croire ». « Je trouve tout à fait regrettable qu’on accepte avec un certain fatalisme la perte du triple A. Cette perte n’est pas banale car elle aura des incidences sur les taux d’emprunt du pays et le pouvoir d’achat ». Et elle « ne sera pas sans conséquences sur le Fonds européen de stabilité financière (FESF) » cet élément clef du dispositif de gestion de crise mis en place dans la zone euro, qui est crédité d’un triple A. Bien sur, « personne n’a intérêt à ce que la zone euro implose et je ne vois pas non plus techniquement comment cela pourrait être possible » a souligné Jean-Pierre Jouyet. Mais « il faut être vigilant car le cas grec n’est pas réglé ».
Interrogé sur la campagne pour l’élection présidentielle française, il a rappelé qu’elle ne se « déroulera pas dans des conditions habituelles » compte tenu d’une crise économique et financière « sans précédent ». « Les marchés et les agences de notation seront davantage sensibles aux discours réalistes, a-t-il prévenu. Et il faudra que les principaux candidats s’inscrivent dans une « perspective qui conjugue le mieux possible l’assainissement des finances publiques et une sortie de la récession ». Bref, offrir des perspectives qui aillent au delà d’une législature et qui soient socialement acceptables.