Jeudi 29 octobre, avec Olivier Roussat, PDG de Bouygues Telecom.
Publié le 22 septembre 2015Olivier Roussat a évoqué la stratégie de Bouygues Telecom pour s’adapter aux nouvelles conditions du marché et les grandes décisions commerciales et technologiques à prendre au cours des prochains mois.
. On ne peut demander à la fois aux opérateurs d’acheter à l’Etat de nouvelles fréquences et d’investir dans des endroits peu rentables
. On est au début et non à la fin de l’histoire du mobile
. Résultat de la politique « fleur bleue » de libre concurrence de l’Union européenne : les Etats-Unis dominent le software et l’Asie le hardware
. Il n’est pas inéluctable de laisser Gafa mettre la main sur les cartes SIM des smartphones
Le pdg de Bouygues Telecom le reconnait : le choc violent » de l’arrivée d’un quatrième opérateur en 2012 –Free-, en provoquant notamment une baisse des prix de 40% en deux ans, a amené l’entreprise qu’il dirige à modifier profondément sa stratégie. Suppression de 2000 postes (1) – aucun nouveau plan social n’est prévu à l’horizon- changement de logo, nouvelles boutiques plus connectées… l’opérateur s’intéresse de plus près à ses clients qu’il parvient à mieux fidéliser et se tourne plus résolument vers l’innovation. « Chaque année 750 millions d’euros sont investis » et « nous visons des marges de 25% en 2017 » précise-t-il. Des marges importantes mais indispensables selon Olivier Roussat pour continuer à investir bien que les opérateurs « ont remplacé le tabac et le pétrole » comme vache à lait de l’Etat. On leur demande de payer une hausse des taxes, d’acheter de nouvelles fréquences (2) pour être certains d’y avoir accès, même s’ils n’en ont pas un besoin immédiat, et d’« investir dans des endroits peu rentables » pour assurer une meilleure couverture du territoire.
Tout en reconnaissant que la profession est « un peu schizophrène » –« on signe ensemble un jour et on se traine devant un tribunal le lendemain »- Olivier Roussat lui voit pourtant un bel avenir. Car, selon lui, « on est au début et non à la fin de l’histoire du mobile ». « Tous les secteurs vont être révolutionnés par les nouveaux process industriels » induits par les objets connectés et le « big data ». De nouvelles professions, des « datas scientists » vont être de plus en plus indispensables, comme « les docteurs en traitement statistique ». Et les besoins en sécurité vont croître pour protéger les réseaux des opérateurs, leurs clients et les industriels comme les entreprises pour contrer la cybercriminalité.
Interrogé sur la décision européenne de rendre gratuite le « roaming » entre pays de l’Union, le pdg de Bouygues Télécom estime que ce sera intéressant pour les consommateurs. Mais, contrairement au pdg d’Orange qui voit dans la fin des frais d’itinérance en Europe dès juin 2017, « un bon calcul économique » avec l’assurance d’une augmentation de la consommation, il lance une mise en garde : la « politique fleur bleue » de l’Union, en voulant ne pas défavoriser les faibles offre de nouvelles armes aux « gros » comme GAFA (Google, Apple Facebook, Amazone). Ainsi, la gratuité du roaming ouvre la voie à « des offres paneuropéennes pour des opérateurs virtuels n’ayant aucun investissement à réaliser et pouvant proposer des bas coûts ». Et Olivier Roussat de rappeler qu’il y a 15 ans, le monde des Telecoms était dominé par des européens, les Siemens, Alcatel et autres Nokia. A force de jouer la « libre concurrence », l’Union européenne s’est réveillée trop tard. « Tout le monde était déjà mort. Les Etats-Unis dominaient le software et la Chine le hardware ».
Le même risque existe sur la « neutralité du net » qui exclue tout paiement d’accès pour ne pas discriminer les consommateurs. Quitte à ce que les retombées financières –et fiscales- se concentrent « dans les poches de Gafa » et aux Etats-Unis. Et de conclure qu’il n’est pas question de faire la même erreur avec les cartes Sim intégrées aux smartphones que les géants du net comme Google ou Apple veulent conquérir. Bouygues Télécom en discute avec l’Arcep, (l’Autorité de Régulation des Communication électroniques et des Postes) et entend bien répliquer avec l’arme réglementaire. Pour écarter le risque d’«ubérisation des opérateurs.
F.C.
(1) Bouygues Telecom emploie actuellement 8000 salariés, compte 13 millions de clients et a réalisé un chiffre d’affaires de 4,4 milliards d’euros e 2014
(2) Les prochaines enchères sont prévues pour le 15 novembre 2015