« Quel avenir pour la SNCF face à la concurrence et à un climat social dégradé ? », avec Guillaume Pepy, PDG de la SNCF, mercredi 22 juin (voir le compte-rendu)
Publié le 8 juin 2016– Le coût des grèves: 310 millions dont au moins 250 millions pour la branche des trains de voyageurs et de marchandises
– Une « règle d’or » pour plafonner la dette qui impliquera des choix dans les investissements
– Un impératif, le numérique ; une obsession, le low cost ; un objectif, porter l’international de 33% à 50% du chiffre d’affaires
Difficile d’évaluer avec exactitude le coût des 23 jours de grèves qui ont émaillé le printemps 2016 dont 15 jours en juin. Mais, pour le président de la SNCF, le cumul des pertes de trafic, les remboursements d’abonnements et les pénalités dues aux régions dépassera certainement les 250 millions d’euros pour la branche Mobilités (trains de voyageurs et de marchandises) et 60 millions pour la banche Réseau, en termes de péages non perçus. Un revers financier qui ne doit pas masquer quelques sujets de satisfaction. Jusqu’à présent, et en dépit des mouvements de contestation autour de la loi travail, la SNCF, transporteur national de l’Euro de football 2016, a réalisé un « quasi sans faute » selon Guillaume Pepy: un seul retard a été enregistré sur l’un des 650 TGV affrétés pour assurer le transport de 1,5 millions de personnes vers les stades où se déroulaient 32 matches sur 49, sans oublier l’acheminement de 2 millions de supporters vers les fan zones.
Ce satisfecit sportif n’empêchera pas le groupe de devoir reconquérir ses clients après des journées noires. Et devrait le pousser à redoubler d’efforts pour anticiper l’avenir, se préparer à l’ouverture à la concurrence, jouer sur le numérique et le low cost, bref, « réinventer le chemin de fer ». Une stratégie qui devra tenir compte de la nécessité de moderniser les réseaux – ce qui prendra encore 10 à 15 ans car « on a sous-estimé la durée des travaux à effectuer » – et des contraintes d’un lourd endettement de SNCF Réseau (environ 40 milliards d’euros) qui a poussé le gouvernement à élaborer une « règle d’or » pour le plafonner. Ce plafond « sans doute » en pourcentage du chiffre d’affaires et non en valeur absolue, sera fixé par décret dans les semaines à venir. Au-delà, le financement de tout nouvel investissement devra être assuré ce qui impliquera des choix.
Compte tenu de ce cadre institutionnel – « c’est la loi »- et de l’ouverture à la concurrence décidée par l’Union européenne, le Président de la SNCF entend s’attaquer à de sérieux chantiers. Le premier est d’améliorer l’efficacité industrielle du groupe et de « remettre à plat l’organisation du travail » ; le deuxième vise à utiliser à plein les gains de productivité qu’offre le numérique : baisser les coûts de maintenance jusqu’à 30%, connecter les gares, les réseaux, et…ne pas se laisser déborder par un géant comme Google qui pourrait, si l’on y prend garde, créer un « Google rail » ce qui a poussé la SNCF à créer une application « ID pass » pour que les usagers gèrent leurs transports TGV ou leur location de voiture à partir de leur smartphone ; autre chantier d’importance, réduire les frais de structures de 500 millions d’euro sur 3 à 4 ans -la baisse du nombre des régions allègera notamment les frais de fonctionnement ; décloisonner des métiers qui multiplient les passages de témoin et pénalisent les clients ; le chantier commercial, enfin, ne s’annonce pas des moindres, Guillaume Pépy avouant être « obsédé par le low cost ».
Il s’agit, pour lui, de répondre à la demande des clients qui veulent « des prix, de la simplicité, la fluidité » et de rendre plus difficile le positionnement des futurs concurrents de la SNCF en France. Les « Oui » – « Ouigo » pour les TGV, « Ouibus ou « Ouicar- ont été lancés dans ce but. Cette gamme pourrait être étendue aux trains intercités. Il n’est pas question de connaitre les déboires d’Air France qui n’a pas anticipé la montée en puissance des low cost et voir un jour un « Easyjet du rail » balayer la SNCF. Pour se préparer à la concurrence annoncée par l’Union européenne sur le terrain de jeu français, le président de la SNCF entend également anticiper. Sans attendre fin 2019 pour les lignes régionales comme les TER et Transiliens ou fin 2021 pour les TGV, des expériences seront lancées, durant la période 2017-18 pour mieux évaluer ce que la concurrence va apporter aux consommateurs ou le type de régulation à envisager. En d’autres termes, il faudra tirer les leçons de l’« échec » du fret, qui a abandonné, du jour au lendemain, sa position de monopole en France, au printemps 2007.
Autant dire que ces multiples défis auront des répercussions en termes d’emploi. Guillaume Pepy reconnait que poursuivre sur la lancée de la SNCF qui, depuis 1945, augmente de 2% la productivité du groupe en supprimant 2300 à 3000 postes par an est de plus en plus difficile et exige d’être de plus en plus innovant. Mais grâce à la pyramide des âges et au départ à la retraite de quelque 8 000 « baby boomers », le Groupe peut embaucher 5 000 à 5 000 personnes chaque année. Résultat, « 30% des cheminots sont depuis moins de 10 ans » dans l’entreprise.
Reste un sujet dont on parle insuffisamment, regrette le président de la SNCF : la percée à l’international du Groupe qui réalise 33% de son chiffre d’affaires hors de l’Hexagone, grâce à sa présence dans plus de 120 pays. Il vise à porter cette proportion à 50% dont 25% hors d’Europe à l’horizon 2025. Bref, à conforter un titre de « champion français à l’international » souvent méconnu.
FC
Retrouvez ici les documents de la SNCF remis aux journalistes présents sur l’impact des grèves en 2016, ainsi que sur les enjeux et perspectives des mois à venir.
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