Petit-déjeuner avec Michel Sapin, Ministre des Finances et des Comptes publics
Publié le 6 juin 2014Le Jeudi 5 juin 2014 , nous avons eu le plaisir d’accueillir Michel Sapin, Ministre des Finances et des Comptes publics.
– Le pacte de responsabilité et de solidarité est une nécessité dont l’ancien ministre du Travail se sent « porteur ».
– Le système financier doit répondre aux besoins de l’économie réelle et implique, notamment, la mise en œuvre de la taxe sur les transactions financières.
– L’union bancaire européenne permettra de lutter contre la « mauvaise finance » et l’instabilité financière.
– Sanctions contre BNP Paribas : payer pour le passé est légitime, payer pour le futur ne le serait pas
Quelques jours avant sa présentation en conseil des ministres, le Ministre des Finances et des Comptes publics souligne les principales mesures du projet de loi de finance rectificative (PLFR). Le pacte de responsabilité et de solidarité, projet phare du gouvernement, dont Michel Sapin « se sent porteur » en tant qu’ancien Ministre du Travail, y figurera en bonne place ainsi que dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) présenté le 18 juin, afin de rendre ses dispositions – réduction des cotisations sociales pour les entreprises et allègement d’impôt pour les ménages les plus modestes- applicables dès cette année..
Et le ministre de dénoncer dans les déclarations du Medef, qui avait menacé de quitter le pacte, début juin, « des petits jeux contraires à l’intérêt général ». Il rappelle que les baisses des prélèvements sur les entreprises atteindront plus de 40 milliards d’euros d’ici à 2017, « ce qui n’est pas rien ». L’exonération de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), quant à elle, concernera deux tiers des entreprises et représentera 2,5 milliards d’euros. Les réductions de cotisations sociales, annoncées pour les salaires de fonctionnaires proches du Smic, seront inclues dans cette somme.
Quant au « geste fiscal » en faveur des foyers les plus modestes, effectif dès septembre prochain, il devrait empêcher 600 000 ménages d’être imposables et permettre à 1,2 millions de ne plus l’être. Malgré le gel des prestations sociales annoncé pour 2015, dont l’impact sera limité par la faiblesse de l’inflation, Michel Sapin rappelle que les « discussions restent ouvertes » en ce qui concerne les indemnités d’accident du travail et d’invalidité. Les « petites retraites » du régime général inférieures à 1200 euros par mois ne seront pas concernées. Enfin, le Ministre indique que l’exonération de la taxe d’habitation devrait faire l’objet d’un amendement.
Michel Sapin rappelle, par ailleurs, la nécessité de stabiliser puis de réduire le niveau de la dette. C’est dans ce but que le Conseil Stratégique de la dépense publique a « réaffirmé » le plan d’économies de 50 milliards d’euros sur les 3 années à venir : 11 milliards d’euros seront économisés sur les dépenses des collectivités locales, 21 milliards viendront de la protection sociale et 18 milliards de l’Etat dont les dépenses publiques baisseront en valeur absolue en 2015 par rapport à 2014. En d’autres termes l’Etat seul, contrairement aux collectivités et à la protection, sociale, assurera une valeur d’ajustement. Selon le ministre, c’est ce qui différencie une politique d’austérité, qui risque de ralentir l’activité, d’une politique de « sérieux budgétaire ». Il rappelle en outre qu’aucune nouvelle hausse d’impôts ne pèsera sur le pouvoir d’achat des ménages. Et confirme que 40 % de l’effort budgétaire sera mené en 2015.
En utilisant à l’avenir comme principal levier une réduction des dépenses publiques, sur lesquelles le gouvernement a le plus de contrôle, -4 milliards d’euros sera intégrée au PLFR 2014, dont 1,6 milliards d’euros d’annulation de crédits d’Etat- le Ministre se montre confiant sur la réalisation de ses objectifs. Contrairement à ce qui s’est passé 2013, avec des recettes inférieures aux attentes et une croissance limitée à 0,3 % contre les 0,8 % prévu. Pour, Michel Sapin les prévisions du gouvernement, une croissance de 1% pour 2014, considérée comme trop optimiste par certains, est en outre maintenue.
Interrogé sur les économies attendues grâce à la modification de la carte des régions, Michel Sapin répond qu’il n’y aura pas d’effets immédiats. En revanche, la suppression de la clause générale des compétences conduira à des économies de fait : en supprimant le droit de certaines collectivités à faire des dépenses, elle empêchera les gaspillages induits par le « millefeuille administratif ». La question du bloc communal et intercommunal qui représente « le gros des dépenses » sera aussi primordiale. L’objectif d’économies réalisées grâce à la réforme territoriale pour 2015-2017 sera de 11 milliards d’euros, soit 4 % des dépenses des collectivités territoriales.
Sur le système financier, le Ministre rappelle la nécessité de mener à bien sa « restructuration » pour qu’il contribue au financement de la transition énergétique et aux besoins de l’activité économique. Cela implique une mise en valeur de la « bonne finance ». La taxe sur les transactions financières, « en bonne voie », devrait concourir à la lutte contre « les transactions qui n’apportent rien à l’économie réelle » et constituent un des éléments de déstabilisation du système financier. Le gouvernement français « redira sa détermination » à ce sujet et la nécessité d’une mise en place à l’échelle européenne.
Au lendemain du scrutin européen, Michel Sapin rappelle l’importance de la nomination du président de la Commission pour les orientations économiques et monétaires de l’Union et sur le rôle essentiel de l’’Eurogroupe, notamment sur l’union bancaire qui constitue, pour le ministre, un des moyens de lutte contre la « mauvaise finance »
Enfin, sur les menaces de sanctions financières qui pèsent sur la BNP Paribas, le Ministre souligne l’impératif d’indépendance de la justice américaine dans ce dossier. Mais si la banque a certainement commis « des actes répréhensibles du point de vue de la justice américaine » il souhaite que les sanctions soient établies « dans un cadre équitable ». « Payer pour le passé est légitime, mais payer pour le futur ne le serait pas », conclut-il.