Petit-déjeuner avec Michel Barnier, Commissaire européen au Marché intérieur et services financiers
Publié le 28 novembre 2012Le mardi 27 novembre 2012, nous avons eu le plaisir d’accueillir Michel Barnier, Commissaire européen au Marché intérieur et services financiers, sur le thème « Une étape majeure face à la crise : une régulation financière et un superviseur unique des banques en Europe »
. Services financiers : Il faut passer de la régulation préventive et réparatrice à une dynamique pour la croissance
. Séparation des activités à risque des banques : Le problème n’est pas d’avoir des projets différents selon les pays mais qu’ils soient compatibles.
. L’Europe doit renforcer son ambition et son audace industrielle. Le bon niveau de patriotisme est européen
Pour Michel Barnier, la difficulté de sortir de trois ans de crises à répétition tient au fait « qu’il faut tout faire en même temps » : consolider les budgets, aller plus loin dans les réformes structurelles, mieux réguler les services financiers, tout en visant « plus d’intégration démocratique ».
Pour que la régulation financière, actuellement « préventive et réparatrice » permette de passer à une « dynamique pour la croissance », il s’est fixé trois secteurs névralgiques : une directive sur les fonds de pension qui prendra sans doute quelques mois avant d’aboutir ; Solvancy II qui prend « un peu de retard » pour offrir aux assureurs des garanties sur le long terme ; Bâle III sur de nouvelles règles prudentielles pour renforcer la crédibilité et la solvabilité des banques.
Sur ce dernier point, le Commissaire s’est refusé à « tout procès d’intention » à l’égard des Etats-Unis qui n’ont pas appliqué les règles de Bâle II et viennent d’annoncer unilatéralement le report de Bâle III dont le G20 s’était engagé à commencer la mise en œuvre le 1er janvier 2013. Américains et Japonais refusent notamment les deux nouveaux ratios de liquidité (à un mois et à un an) envisagés par cet accord. En attendant les conclusions du Comité de Bâle, au début de l’an prochain, Michel Barnier entend « écouter tout le monde ». Et souligne, qu’en Europe, quelque 8 000 banques sont concernées par Bâle III alors qu’elles ne sont que 30 aux Etats-Unis.
Interrogé sur le projet de loi français visant à isoler les activités de marché à risque des banques, Michel Barnier a estimé que: « François Hollande fait ce qu’il a dit ». A ses yeux, le problème n’est pas de voir chaque pays voter des législations différentes mais de s’assurer « qu’elles soient compatibles ». Ses services feront des études d’impact pour savoir où situer le curseur de ces activités à risque pour ne pas paralyser les banques tout en protégeant leurs clients et les contribuables en cas de crise.
Pour le Commissaire européen, le maître mot doit être la « transparence ». Pour le shadow banking, qui assure 30% des transactions bancaires et dont toutes les activités ne sont pas à rejeter. Comme pour le trading à haute fréquence, difficile à surveiller compte tenu de la rapidité des échanges d’actifs. Là il faut calmer le jeu. Tout comme pour le marché des matières premières où il convient de limiter les positions à « risque monopolitique ».
Quant à l’Union bancaire européenne, qui doit aboutir à la supervision par la BCE des 6.000 banques de la zone euro, son entrée en vigueur au 1er janvier prochain dépend d’un accord politique qui, l’espère le Commissaire, sera obtenu lors du prochain Conseil européen des 13 et 14 décembre. Son calendrier effectif ne pourra être établi que par la suite.
Sur l’affaire Arcelor Mittal, Michel Barnier estime que la France a raison de vouloir préserver sa base industrielle, « s’il le faut avec du volontarisme public ». Mais il lui faut prendre gade de ne pas décourager les investisseurs étrangers. Au total, l’ « Europe doit retrouver son ambition et son audace industrielle », celle du temps de la création de la CECA et de la PAC. Il ne s’agit pas de suivre « une politique industrielle de grand papa » mais d’investir. Car il n’est pas question de faire de l’Union un « supermarché », « un territoire de consommation des (seuls) produits chinois et américains ». En sachant que « le bon niveau de patriotisme industriel, c’est l’Europe ».