Avec Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et à l’Union douanière, lundi 25 janvier
Publié le 16 janvier 2016Pierre Moscovici était de retour du Forum économique mondial de Davos.
. L’Union européenne n’est plus considérée comme l « homme malade » du monde
. La France n’aura pas de délai supplémentaire pour ramener son déficit en deçà de 3% du pib
. Le Grexit a été évité, le Brexit le sera
. Les multinationales doivent payer l’impôt là où elles font des bénéfices
De retour du Forum de Davos, le Commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et à l’Union douanière s’est félicité que l’Europe ne soit plus considérée comme l’ « homme malade du monde », même si elle n’est pas perçue comme un moteur de la croissance mondiale. Elle est, de fait, en simple phase de redémarrage : « les voyants de la reprise sont au vert, mais au vert pâle ». Grâce à une « consolidation budgétaire installée et une politique monétaire accommodante », l’Europe est moins vulnérable que d’autres à un environnement international peu porteur du fait de la transition chinoise vers un modèle économique recentré sur la consommation interne et compte tenu des retombées des cours très bas des matières premières et du pétrole.
Il n’empêche. Pour Pierre Moscovici, la croissance européenne reste trop faible (1,7% prévus à l’automne par la Commission pour 2016 et 2% pour 2017). Quant au niveau du chômage il est « inacceptable ». C’est l’un des enjeux majeurs du Plan Juncker de 315 milliards d’euros qui trouvera cette année sa vitesse de croisière et dont la France sera largement bénéficiaire. Actuellement, 50 milliards d’euros de projets sont en portefeuille et, élément positif, la BEI « s’ouvre à la culture du risque plus que par le passé».
Sur cette toile de fond, comment se portent la France, toujours en déficit excessif, la Grèce, en négociation sur sa réforme des retraites ou la Grande Bretagne et l’organisation d’un referendum sur l’Europe qui fait peser la menace d’un Brexit? Sur la France, Pierre Moscovici estime que le pays va dans la bonne direction mais que ses efforts structurels ne sont pas assez soutenus. Pour lui, l’inertie propre aux périodes pré-électorales n’est « pas une option ». Tout en estimant que les engagements de Paris, réduire le déficit public à 3,4% du pib cette année et à moins de 3% l’an prochain, peuvent être tenus, il lance une courtoise mais ferme mise en garde : « il n’y aura pas de délai supplémentaire ».
Cet appel aux réformes vaut encore plus pour la Grèce. Depuis l’été 2012 « tout a changé » dans ce pays : le gouvernement est solide et Alexis Tspipras a compris qu’il n’y avait pas d’alternative; les réformes sont plus consistantes que prévu ; la confiance revient sur le redémarrage de l’économie et la résolution du problème de la dette. Et Le pays n’a pas besoin d’argent, pour l’instant. Les négociations qui vont reprendre doivent pourtant permettre de vérifier la soutenabilité financière de la réforme des retraites et de s’assurer que les plus vulnérables seront couverts. Bref, on ne reparle plus de « Grexit ».
Quant à un Brexit, à l’issue du referendum sur la participation des Britanniques à l’Union Européenne promis par le Premier ministre David Cameron, ce serait un signal de défaisance de l’Union alors qu’il faut poursuivre son approfondissement, ancrer ses valeurs fondamentales, notamment humanistes. Ce qui se passe dans les pays de l’Est face à l’afflux d’émigrés, mais aussi en Pologne, ne fait que confirmer une dérive. Dans le cas polonais, l’approche du dialogue progressif est la meilleure. L’arsenal juridique européen est suffisant pour réagir en cas d’escalade, sans tomber dans l’erreur des sanctions envisagées trop brutalement contre l’Autriche de Haider en 2000.
De toute façon, en cas de Brexit, la Grande Bretagne serait perdante, l’Union aussi. Le président de la Commission Jean-Claude Juncker s’est déclaré « sur » qu’un accord sera trouvé dès le Conseil européen de février. Pierre Moscovici y croit aussi. Interrogé sur un éventuel plan B, le commissaire écarte cette hypothèse d’un revers de la main. «Nous ne devons avoir qu’un plan: un Royaume-Uni dans une Europe unie avec des modifications suffisamment conséquentes pour convaincre les Britanniques, mais avec un maintien de l’acquis suffisamment fort pour que toute l’UE poursuive son avancée », « Le Grexit a été évité. Le Brexit le sera ».
A plus court terme, le Commissaire entend poursuivre sa croisade contre l’évasion, l’optimisation fiscale et la fraude à la TVA qui représente un manque à gagner de 160 milliards d’euros. Peu avant la présentation, le 27 janvier, d’un plan « sifflant la fin de la récréation » pour les multinationales qui jouent sur les législations nationales pour échapper à l’impôt, Pierre Moscovici a rappelé qu’il s’agit d’obliger les entreprises à fournir leurs résultats et leur charge fiscale pays par pays. Son credo est clair : « les entreprises doivent payer l’impôt là où elles font des bénéfices ».
L’échange automatique d’informations entre les administrations fiscales doit-il aller plus loin et donner lieu à une publicité à ces données? Le Commissaire y est personnellement favorable mais attend le résultat d’une étude d’impact, d’ici juin, pour s’assurer qu’une telle publicité ne mettrait pas en péril la compétitivité de certaines entreprises. Il est toutefois convaincu que la « révolution de la transparence fiscale » ne s’arrêtera pas là. Le secteur du numérique en a d’ailleurs pris, selon lui, conscience. Mais il plaide pour une approche fiscale globale de la part de l’Union sans spécificité pour le numérique, qui ne doit pas être pénalisé.
FC