Archives de l’auteur : AJEF

Huillard

Petit-déjeuner avec Xavier Huillard, PDG du groupe Vinci et président de l’Institut de l’Entreprise

. « Nous sommes un groupe multilocal plutôt que multinational »
. A terme, Vinci doit ramener de 60% à 40% la part de ses activités en France
. Oui à la taxation à 75% des revenus supérieurs à 1 million d’euros par an, si elle est vraiment provisoire

« Il faut savoir grandir sans grossir afin de ne pas être étouffé par la « technocratisation » de la fonction centrale ». Tel est l’un des principaux messages de management délivrés par Xavier Huillard, PDG de Vinci depuis mai 2010, une entreprise où il a effectué l’essentiel de sa carrière après un passage chez Eiffage.

Le groupe, qui a réalisé en 2011 un chiffre d’affaires de 37 milliards d’euros, emploie environ 180 000 salariés répartis dans une centaine de pays et 2300 sociétés, dirigées par des équipes locales, d’où cette notion de « multilocal » plutôt que multinational. Vinci qui réalise actuellement 34% de son activité dans le BTP/Construction, 45% dans les concessions (et 2% seulement dans les parkings) et 17% dans l’Energie, via Vinci Energie qui a doublé en 6 ans sa contribution au chiffre d’affaires, entend développer fortement ce dernier secteur fait de petits contrats (50 000 euros en moyenne). En s’appuyant sur des métiers « hyper-capitalistiques » comme les concessions et « peu capitalistiques » comme la construction, des activités de long et de court terme, le groupe parvient, selon Savier Huillard à résister aux périodes de crise. Pour l’instant, le groupe qui réalise en Europe une part importante de son activité ne souffre pas d’une conjoncture économique en berne grâce à son implantation dans les collectivités locales, moins affectées.

Le groupe compte aussi sur des opportunités nouvelles au cours des deux prochaines années, telles que les acquisitions d’aéroports au Portugal, en Grèce ou en Espagne en raison des programmes de privatisations engagés dans ces pays. Mais à terme, Vinci doit revenir de 60% de son activité réalisée en France à 40% et déplacer petit à petit son centre de gravité hors d’Europe, notamment au Brésil et en Inde.

Interrogé sur la présence du fonds souverain du Qatar à hauteur de 5,6% au capital de Vinci (via l’apport de Cegelec, rémunéré en actions), son PDG s’est félicité de cette présence qu’il considère comme un investissement à long terme. Revendiquant un « modèle humain, managérial, social et sociétal », il a rappelé que le groupe compte à présent quelque 100 000 salariés-actionaires dans le monde (un nombre doublé en dix ans) dont 90% du personnel en France.

A propos du débat sur la rémunération des dirigeants d’entreprise, Xavie Huillard qui gagne 1,8 million d’euros par an, a estimé que « dans une situation exceptionnelle qui nécessite des mesures exceptionnelles, il est naturel que ceux qui peuvent le plus, soient davantage mis à contribution que ceux qui ne le peuvent pas ». Au sujet de la future taxation à 75% des revenus supérieurs à 1 million deuros par an, il a estimé qu’il « fallait trouver la bonne limite entre solidarité et spoliation » pour une mesure annoncée comme provisoire. « Si c’est deux ans, c’est bien » a-t-il convenu.

Enfin, interrogé sur l’état de la zone euro, Xavier Huillard qui, en tant que président de l’Institut de l’Entreprise s’est prononcé à plusieurs reprises en faveur d’une « coordination accrue dans les domaines budgétaire et fiscal » a estimé qu’au delà des difficultés, la phase d’accélération de la convergence budgétaire était un fait et que « d’autres avancées vont suivre » sur la voie d’un fonctionnement plus fédéraliste de l’Union européenne.

Philippe de Fontaine-Vive

Petit-déjeuner avec Philippe de Fontaine-Vive, vice-Président de la Banque Européenne d’Investissement

Une augmentation de capital de la BEI de 10 milliards d’euros permettrait de prêter 60 milliards

Une augmentation de 10 milliards d’euros du capital de la Banque européenne d’investissement (BEI), à l’étude, permettrait au bras financier de l’Union Européenne de prêter 60 milliards sur trois ans, a déclaré son vice-président, Philippe de Fontaine Vive, à l’issue d’une rencontre avec l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef).

« Aujourd’hui les actionnaires de la BEI (c’est-à-dire les 27 Etats membres de l’Union, NDLR), la Commission européenne et le Parlement européen examinent la possibilité d’une augmentation du capital de 10 milliards d’euros, qui est le chiffre qui semble leur convenir et que donc nous prenons comme base de travail », a-t-il expliqué.

« Si les actionnaires de la BEI, d’ici la fin 2012, venaient à décider à l’unanimité une augmentation de capital de 10 milliards d’euros, ceci permettrait grâce à notre effet de levier de prêter sur les trois années à venir 60 milliards d’euros », a-t-il ajouté.

Le Français a précisé que la BEI finance, en moyenne, un tiers du montant global des projets auxquels elle participe. Du coup, « avec ces 10 milliards », elle pourrait participer au financement de projets d’investissements dans l’Union Européenne d’un montant global de 180 milliards.

La BEI, notamment par le biais d’une augmentation de capital, est au coeur des discussions européennes sur les moyens de relancer la croissance. Le principe de son utilisation est poussé par Bruxelles et Paris, et ne semble pas rencontrer d’obstacle particulier.

Selon Philippe de Fontaine Vive, des demandes de financement sont en souffrance en l’attente de cette augmentation de capital. Il a affirmé que, si elle avait lieu, « des projets pourraient être financés dès cette année ou l’année prochaine ». En France, cela pourrait concerner des secteurs qui connaissent actuellement « une carence de financements », « comme les collectivités locales, les universités, la recherche, les PME ».

Dans les pays sous assistance financière internationale (Grèce, Portugal et Irlande), où les investissements sont particulièrement risqués, la BEI souhaite également « utiliser les fonds structurels » européens, a expliqué son vice-président.
Ces fonds structurels, issus du budget de l’UE, doivent bénéficier de cofinancements pour être débloqués, faut de quoi ils restent inutilisés.

Philippe de Fontaine Vive a pris l’exemple de la Grèce, où la BEI « va utiliser un milliard de fonds structurels pour garantir des prêts aux PME ». « Nous pourrions développer ce mécanisme si la Commission européenne et les Etats membres en sont d’accord », a-t-il assuré.

L’augmentation de capital serait réalisée par les Vingt-Sept suivant leur richesse relative par rapport à la richesse européenne, sachant que la participation des quatre pays les plus riches (Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni) ne peut dépasser 17% du total. Pour la France, la participation serait donc de 1,7 milliard d’euros.

Cette opération « viendrait encore conforter » le « AAA » dont bénéficie la BEI auprès des trois agences internationales de notation, a insisté son vice-président.

Henri Proglio

Petit-déjeuner avec Henri Proglio, PDG d’EDF

. La part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité est appelée à augmenter
. Le retrait des allemands EON et RWE du nucléaire britannique était « totalement prévisible »
. EDF doit se préparer à une « mutation culturelle »

En dépit du « doute » né de la catastrophe de Fukushima, « on ne peut parler d’abandon du nucléaire dans le monde » a souligné Henri Proglio. Compte tenu du renchérissement inévitable de l’énergie primaire (pétrole et gaz) et en dépit de l’importance croissante des énergies renouvelables, sa part dans la production électrique mondiale devrait passer de 12-13% aujourd’hui à 20-25% dans 15ans. Et des Etats-Unis à l’Afrique du Sud, de la Chine à la Russie, des Pays-Bas au Chili, le choix nucléaire se conforte. C’est aussi le cas de la Grande Bretagne dont la politique est marquée du sceau de la « continuité » et où le nucléaire « ne fait pas polémique » dans la mesure où il participe à la quête de relais au pétrole de la Mer du Nord, en cours d’épuisement.

En revanche, l’Allemagne ayant décidé d’abandonner le nucléaire d’ici à 2022, le retrait annoncé des groupes allemands Eon et RWE des projets de construction de réacteurs nucléaires au Royaume Uni « était totalement prévisible ». EDF pour sa part poursuit ses projets liés à la construction de quatre EPR Outre Manche, a confirmé Henri Proglio. Les discussions avec les pouvoirs publics britanniques sur « le schéma contractuel » de ces projets « devrait être achevé à la fin de l’année ». Un tel schéma doit prévoir qu’EDF obtiendrait une compensation s’il vend l’électricité produite par les nouveaux réacteurs en dessous d’un prix convenu et reverserait le surplus si, à l’inverse, il la commercialisait à un prix plus élevé.

Bien décidé à rester leader dans le nucléaire et à être un « vecteur d’exportation pour l’industrie française », le PDG d’EDF entend multiplier les partenariats. Mais il souligne que de tels partenariats incluront forcément des Chinois en Amérique Latine comme en Afrique, compte tenu de la présence croissante de la Chine dans ces régions

Interrogé sur la reprise de Photowatt, le PDG d’Edf a reconnu ne pas « y être allé » par « enthousiasme » mais avoir posé des conditions qui vont dans le sens de l’intérêt du groupe. A son avis, « un autre gouvernement aurait pris la même décision » et le reclassement de 85 emplois n’était pas insurmontable. « L’important est que cette expérience réussisse ».

Quant aux priorités de Henri Proglio pour les années à venir, elles portent sur l’équation tarifaire en France, les « énormes investissements » à réaliser pour développer les énergies alternatives, étant entendu que le surcoût du nucléaire du au renforcement des normes de sécurités peut être, selon lui, lissé et permettre de maintenir des tarifs inférieurs à ceux de nos voisins. Autre priorité, le développement des réseaux d’intelligence de gestion déléguée pour compte de tiers ce qui impliquera une « mutation culturelle » du groupe. « Opérateur de service public multilocal », EDF basera cette politique sur deux socles : la recherche, avec un nouveau centre à Saclay, et un « réseau des campus », le premier étant en cours de création en Grande Bretagne et l’autre prévu, près de Saclay, à l’horizon de 2015.

Michel Sapin

Petit-déjeuner avec Michel Sapin, secrétaire national à l’économie du PS

. La tranche d’imposition à 75% peut rapporter 200 à 250 millions d’euros
. Il faut un rétablissement équitable des finances publiques
. Aucun pays européen ne peut respecter la « règle d’or » sans croissance

Interrogé d’entrée de jeu sur l’une des mesures phares du programme fiscal de François Hollande, à savoir l’instauration d’une nouvelle tranche d’imposition au-delà de 1 million d’euros de revenus annuels, le responsable du projet socialiste a d’abord expliqué qu’il ne s’agissait pas là d’une proposition fiscale proprement dite mais d’un élément-clé de cohésion sociale, par exemple au regard de l’augmentation de 34% des salaires des grands patrons du CAC 40 constatée en 2010. Un effort « exceptionnel durable » qui devrait rapporter quelque 200 à 250 millions d’euros annuels, a indiqué Michel Sapin, récusant toute idée d’impôt « confiscatoire » en cas d’éventuel recours devant le Conseil constitutionnel. Il a confirmé par ailleurs le « rapprochement » de l’impôt sur le revenu et de la CSG, une façon de « mettre plus de CSG » dans un système fiscal qu’il juge déséquilibré.

Considérant que, conformément aux engagements de François Hollande, le rétablissement « équitable » des finances publiques constitue une des principales obligations de la future équipe en place, M. Sapin a relevé « qu’aucun candidat ne proposait réellement de baisses, en valeur absolue, de ces dépenses publiques ».
Pour sa part, il confirme l’objectif d’une progression limitée à 1% par an (contre 0,5%) pour le candidat sortant. Toutefois, a-t-il ajouté, « aucun pays européen ne peut véritablement respecter la fameuse règle d’or sans un minimum de croissance ». C’est pour cette raison que le candidat socialiste a annoncé qu’il demanderait la renégociation en ce sens du Traité européen signé à Bruxelles par 25 pays sur 27.

Le temps est venu du « retour d’une véritable politique industrielle » en France et en Europe et de comprendre que « la seule politique de la concurrence, c’est bien fini », a ajouté Michel Sapin qui, sous l’autorité de trois premiers ministres socialistes (successivement Michel Rocard, Pierre Bérégovoy et Lionel Jospin) a occupé plusieurs fonctions ministérielles, dont celles de ministre de l’Economie et des Finances, en 1992-1993, lorsque la France et l’Europe connaissaient, déjà, une grave crise économique.

Mistral et Saint Etienne

Petit-déjeuner avec Jacques Mistral, directeur des études économiques à l’Ifri et Christian Saint-Etienne, professeur au CNAM

– Jacques Mistral : les instruments de politique économiques paraissent inopérants à relancer la machine, des deux côtés de l’Atlantique

– Christian Saint-Etienne : Si les Etats-Unis sont économiquement plus malades, l’Europe l’est plus de ses institutions

– J.M. : Pour les investisseurs, le dollar était le vrai « malade » jusqu’à ce que l’Union fasse « tout pour décrédibiliser l’Europe »

C.S-E : Ou l’Europe accepte plus de fédéralisme ou l’euro éclatera
Pour Jacques Mistral, directeur des études économiques à l’Ifri, le léger vent d’optimisme des derniers temps a quelque chose de « pathétique ». Certes, on note une légère décrue du chômage aux Etats-Unis. En Europe, l’Allemagne reste une locomotive économique et l’euro revient à des niveaux plus naturels face au dollar. Mais après 9 trimestres de crise, la reprise américaine reste très en deçà des niveaux enregistrés lors des précédentes périodes de redémarrage. Ni le logement, ni les investissements, ni la consommation ne repartent vraiment. Et l’Europe parait encalminée. Au total, les instruments de politique économiques apparaissent inopérants à relancer la machine, des deux côtés de l’Atlantique.

Alors qui est le plus dangereux pour l’économie mondiale? De part sa taille, l’économie américaine représente la plus forte menace, avec un déficit public de 10% du pib, un déficit primaire incontrôlé, le tout financé par l’épargne étrangère. En revanche, la zone euro est, en termes économiques, beaucoup plus équilibrée. Et si la quête de solution à la crise de la dette souveraine de la zone euro parait chaotique, elle n’a rien à envier à la « cuisine du Sénat américain » en matière budgétaire. Un constat que partage Christian Saint Etienne, professeur au CNAM, à ceci près que l’euro, selon lui, a été « conçu pour marcher sur l’eau » et ne s’appuie pas, comme le dollar, sur un système fédéral. Aujourd’hui le choix est simple : opter pour plus de fédéralisme, accepter un budget européen de 2 à 3 points de pib pour financer des infrastructures prometteuses sur le long terme, l’innovation et des universités européennes ou voir l’euro éclater. Bref, si les Etats-Unis sont économiquement plus malades, l’Europe l’est plus de ses institutions.

Un risque d’éclatement de la monnaie unique qui laisse Jacques Mistral sceptique. « Voilà deux ans qu’on annonce la fin de l’euro », une monnaie « moribonde » qui vaut toujours environ 1,30 dollar. En fait, le billet vert était le vrai « malade » pour les investisseurs jusqu’à ce que l’Union fasse « tout pour décrédibiliser l’Europe », sans qu’il y ait eu besoin d’un « complot » américain. Qui est responsable de cette perte de crédibilité européenne ? Pour Jacques Mistral comme pour Christian Saint Etienne, le principal problème ne vient pas de l’Allemagne mais de la France dont la situation, depuis 4 ans, n’a cessé de se dégrader. L’idée fédérale européenne gagne du terrain en Allemagne, pas en France, souligne le directeur des études économiques de l’Ifri. Et alors que la Chancelière Angela Merkel a soumis l’accord européen de l’été dernier au vote bipartisan du Bundestag, les Français parlent beaucoup. Quand ils n’oublient pas de prévenir leurs partenaires de leur décision de lancer une taxe sur les transactions financières, seuls s’il le faut…Reste que pour Christian Saint Etienne, une gouvernance renforcée sur l’unique volet budgétaire est punitive si elle ne s’accompagne pas d’un volet fédéral favorable à la croissance.

Pour la France, la situation implique, pour les deux économistes, un sursaut de rigueur accompagné de mesures favorables à la reprise. Lesquelles ? En l’absence de projet précis des candidats à la présidentielle, chacun reste prudent. Mais pour le professeur au CNAM, on n’échappera pas à quelque 30 à 40 milliards d’euros de coupes budgétaires supplémentaires. Et Jacques Mistral souligne le décalage entre les Allemands qui « pensent avoir le temps car ils sont créanciers mondiaux » et les Français « inquiets car en position de débiteurs ».

En attendant, les Etats-Unis restent la première puissance mondiale et le dollar la principale devise utilisée pour les échanges commerciaux dans le monde. Mais sur ce terrain aussi, les choses bougent. Jacques Mistral souligne l’importance de l’accord signé, fin décembre, entre la Chine et le Japon pour utiliser leurs monnaies respectives, au lieu du dollar, dans leurs échanges commerciaux. Ce qui devrait pousser les industriels et l’Union européenne à facturer… en euros.

Jean-Pierre Jouyet

Petit-déjeuner avec Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des Marchés Financiers

L’Union européenne a toujours un temps de retard.

Il manque au Sommet du 9 décembre volet sur la croissance. Plutôt que renégocier un traité, mieux vaudrait le compléter.

Le maintien du triple A de la France « tiendrait du miracle » mais Jean-Pierre Jouyet veut « y croire».

Après avoir rappelé les conséquences néfastes d’une financiarisation excessive de l’économie, Jean-Pierre Jouyet attend des politiques qu’ils « reprennent la main ». Tout en reconnaissant qu’on est encore loin d’un consensus pour y parvenir. Le constat est pourtant préoccupant : les hedge funds ne seront encadrés qu’à partir de 2013 et auront jusqu’en 2018 pour s’adapter. Autant dire qu’ils « auront encore le temps de travailler » en toute opacité, comme, au total, 50% des opérations de marché. Et la situation de « l’industrie financière est difficile » compte tenu des nouvelles contraintes prudentielles de Bâle III ce qui pousse à une forte décollecte sur les OPCVM (30 milliards d’euros l’an dernier et sans doute 15 milliards en 2012). Un problème de liquidité des banques va se poser.

Pour le président de l’Autorité des Marchés Financiers, si les attaques sont concentrées sur la zone euro, si les plans à répétition ne suffisent pas à restaurer la confiance et à convaincre les marchés, c’est qu’en dépit de progrès, « l’Union Européenne a toujours un temps de retard ». Ainsi, le Sommet du 9 décembre a permis de franchir un pas. Mais il manque « un volet croissance », au côté du volet « purge » des finances publiques. Bref, « Plutôt que renégocier le traité, mieux vaudrait le compléter ». Comme il est urgent d’avoir un seul et même président de l’Union et de la zone euro, « peu importe qu’il s’agisse de Herman Van Rumpoy ou de Jean-Claude Juncker ».

Sur cette toile de fond préoccupante, le maintien du triple « A » de la France, « tiendrait du miracle », a estimé Jean-Pierre Jouyet, tout en assurant vouloir encore « y croire ». « Je trouve tout à fait regrettable qu’on accepte avec un certain fatalisme la perte du triple A. Cette perte n’est pas banale car elle aura des incidences sur les taux d’emprunt du pays et le pouvoir d’achat ». Et elle « ne sera pas sans conséquences sur le Fonds européen de stabilité financière (FESF) » cet élément clef du dispositif de gestion de crise mis en place dans la zone euro, qui est crédité d’un triple A. Bien sur, « personne n’a intérêt à ce que la zone euro implose et je ne vois pas non plus techniquement comment cela pourrait être possible » a souligné Jean-Pierre Jouyet. Mais « il faut être vigilant car le cas grec n’est pas réglé ».

Interrogé sur la campagne pour l’élection présidentielle française, il a rappelé qu’elle ne se « déroulera pas dans des conditions habituelles » compte tenu d’une crise économique et financière « sans précédent ». « Les marchés et les agences de notation seront davantage sensibles aux discours réalistes, a-t-il prévenu. Et il faudra que les principaux candidats s’inscrivent dans une « perspective qui conjugue le mieux possible l’assainissement des finances publiques et une sortie de la récession ». Bref, offrir des perspectives qui aillent au delà d’une législature et qui soient socialement acceptables.

Cotis

Petit-déjeuner avec Jean-Philippe Cotis, directeur de l’INSEE

«Le dilemme classique entre préserver la croissance et consolider le budget a disparu »

Tous les pays qui, comme la France, approchent du seuil de 90% de pib de dette doivent donner rapidement des signes de rigueur
Il faut stimuler l’offre plus que la demande pour retrouver des gains de productivité

Interrogé sur la façon de conjuguer réduction des déficits publics et reprise économique, Jean-Philippe Cotis a été clair. Avec l’accumulation insoutenable de la dette, « le dilemme classique entre préserver la croissance et consolider le budget a disparu ». Et, selon le directeur général de l’Insee «les effets de défiance associés à l’absence de réforme budgétaire l’emportent sur le soutien à l’activité ».

Au-delà du « mariage pervers » de la sous-épargne des Etats-Unis et de la sur-épargne de la Chine, à l’origine des déséquilibres internationaux actuels, la France est confrontée aux méfaits de l’accumulation, durant 30 ans, de déficits publics qui sont venus alourdir son endettement. Si l’on estime, comme Kenneth Rogoff, à 90% le seuil de soutenabilité de la dette publique, tous les pays qui en approchent « doivent donner rapidement des signes de rigueur ». Or ce ratio atteignait en France 86,2% en juin dernier.

Cette rigueur fait, désormais, consensus. Elle ne doit pas occulter la nécessité de soutenir la croissance. Encore faut-il, pour Jean-Philippe Cotis, prendre la mesure d’une crise qui « a détruit « et » la demande « et » l’offre ». Les « cinq points de pib perdus au cours des trois dernières années, on ne les retrouve pas », tant l’« effet d’hystérésis » de la crise (la persistance de ses conséquences alors que sa cause principale a disparu) est important. En d’autres termes, il nous faut rapidement stimuler l’offre pour permettre aux entreprises d’investir et de retrouver des gains de productivité pour éviter le pire à long terme.

Ce double constat en faveur de la rigueur et de la stimulation de l’offre n’exclut pas l’urgence d’un assainissement du système financier, dont une recapitalisation des banques, car « la dette privée et la dette publique » sont désormais liées. Ni « une gouvernance budgétaire plus vigilante que dans le passé » au niveau de l’Union Européenne. Une discipline qui rompe avec le temps où « chacun s’adonnait à de la carabistouille pour cacher » l’ampleur de ses déficits. Le Fonds Européen de Stabilisation Financière (FESF) constitue une première réponse. Mais en rester à un « ersatz d’union budgétaire n’est plus soutenable ».