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Petit-déjeuner avec Patrice Ract Madoux, président de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES)

– La CADES aura amorti 84,1 milliards d’euros de dettes sociale fin 2013
– Une hausse de 1 point de CSG rapporterait 12 milliards d’euros et épongerait la totalité de la dette sociale
– Equilibrer la « Sécu » suppose des ressources accrues et de moindres dépenses

Méconnue du grand public, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), créée en 1996 pour rendre plus transparente la part des déficits budgétaires et de la Sécurité Sociale, a connu une histoire à rebondissements. Mais entre 1996, et la fin de 2013, elle aura amorti au total 84,1 milliards d’euros de dette sociale, l’équivalent de 4,1% du PIB 2012, a indiqué Patrice Ract Madoux qui préside cette institution depuis 1999. Et cet ancien du Trésor de souligner qu’ainsi, « la dette publique française a diminué de 5 points de pib ». En d’autres termes, sans la CADES « le déficit public serait aujourd’hui de 100% du PIB ».

Une façon de répondre au rapport de la Cour des Comtes qui l’a « exaspéré » en affirmant que la réduction de la dette par la CADES était « en trompe l’œil ». Un verdict d’autant plus « malsain » aux yeux de M. Ract Madoux qu’il entretien la « mythologie d’un trou éternel de la sécu ». Or, rappelle-t-il, il suffirait d’une hausse d’un point de la CSG qui rapporterait environ 12 milliards d’euros pour supprimer la dette sociale. Ce n’est malheureusement pas le gouvernement actuel, qui a promis une « pause fiscale » qui pourra s’y résoudre à court terme. Après avoir « envisagé sérieusement » cette option l’été dernier.

Ballotée, en dépit de son autonomie officielle, au gré de choix politiques et de dérapages de la Sécurité sociale qui ont conduit divers gouvernements à la ponctionner en utilisant nombre d’artifices financiers, la CADES a vu sa mission préservée par une loi organique en 2005 qui prévoit que tout transfert de dettes doit être accompagné de nouvelles recettes. Désormais, cette mission d’extinction de la dette sociale, dont la fin a été plusieurs fois reportée dans le temps, devrait s’achever en 2024-2025 conformément à la loi organique votée en 2010.

D’ici là, il faudra compter avec la persistance d’un déficit de la Sécurité sociale dont le récent rapport de la Cour des comptes a estimé qu’il devrait atteindre le montant cumulé de 160 milliards d’euros à la fin de l’année. D’où la nécessité d’agir fortement sur les dépenses, notamment sur l’assurance maladie dont le déficit s’accroit, passant de 5,9 milliards en 2012 à environ 8 milliards cette année, sur un « trou » de 17 milliards fin 2013. Tout en continuant à rembourser, grâce à la CADES, 10 à 12 milliards d’euros de dettes par an.

Pour y parvenir la Caisse offre « un mécanisme vertueux », assure son président. Ses recettes proviennent, pour l’essentiel, de 0,48% de Contribution sociale généralisée (CSG) et de 0,5% de Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) auxquelles il faut ajouter 2 milliards du fonds de réserve des retraites et le prélèvement sur les produits financiers qui fournit 1,3 milliard d’euros.

Les emprunts de la CADES, à taux fixes ce qui permet d’affronter « sans risque majeur » une hausse du loyer de l’argent, bénéficient d’une note AA+ par Fitch et Moody’s ( le contrat avec Stanpoor’s a été dénoncé) et lui permettent de continuer à se refinancer à bon compte (2,5% fin septembre) sur les marchés financiers internationaux où elle aura levé quelque 20 milliards à long terme cette année. Elle est toujours considérée comme l’un des meilleurs placements par les investisseurs internationaux, notamment allemands.

Reste que cette bonne signature ne doit pas cacher le but ultime de la CADES, disparaitre avec la dette sociale. Il faut « fermer les robinets » de déficit les uns après les autres et « éviter de les rouvrir quand la croissance reviendra » martèle Patrice Ract Madoux. Mais surtout il faut se poser la vraie question: « veut-on amortir la dette sociale ? ».

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Petit-déjeuner avec Jean-Claude Trichet, ancien président de la BCE

– La situation demeure excessivement grave dans les pays avancés
– Vu de Shanghai ou des Etats-Unis la monnaie et la zone euro sont solides
– Pour légitimer les mesures d’ajustement, il faut donner plus de pouvoirs au Parlement européen
-La prochaine crise pourrait venir du pays émergent le plus négligent

Tirant les enseignements de la crise financière qui a commencé en 2007 Outre-Atlantique et dont l’épicentre s’est déplacé, fin 2009, en Europe avec la crise de la dette souveraine, Jean-Claude Trichet, Président de la BCE de 2003 à 2011, a estimé que d’importants progrès ont été réalisés. Le Pacte de stabilité et de croissance a été renforcé; le tableau de bord de11 indicateurs permettant de surveiller l’évolution macroéconomique des pays membres (la MIP) est désormais « aussi important » que ce pacte ; l’Union bancaire a avancé. Non seulement les responsables européens et mondiaux ont préservé l’intégrité de la zone euro –la Grèce n’a pas été expulsée- mais après des politiques d’ajustement très sévères pour l’emploi, les progrès sont aujourd’hui patents en Irlande, réels au Portugal et « colossaux » en Espagne. Au total, la gouvernance au sein des 17 a progressé et la crédibilité de la BCE a été confortée.

Il n’empêche: « la situation demeure excessivement grave » dans les pays avancés. Les taux d’intérêt de pratiquement zéro depuis cinq ans aux Etats-Unis et en Grande Bretagne sont là pour le rappeler. Les déficits japonais restent impressionnants, tout comme l’endettement britannique ou américain. Au-delà même des risques du « shutdown » américain, la nomination de Yanet Yellen pour prendre la succession de Ben Bernanke ne peut apporter de solution miracle, en dépit de toutes ses qualités pour devenir une « grande présidente de la Fed »

Pourtant, dans ce contexte, l’euro a maintenu la confiance qui lui était accordée. Et Jean-Claude Trichet de rappeler que cette zone de 335 millions d’habitants, a crée depuis sa naissance, en 2001, et jusqu’au 2ème trimestre 2013, quelque 12,9 millions d’emplois contre 12,3 millions aux Etats-Unis. A présent, elle regroupe 17 pays depuis l’entrée de la Slovaquie et de l’Estonie et devrait passer à 18 membres au 1er janvier 2014 avec l’arrivée de la Lettonie, signe de l’intérêt qu’elle continue à susciter. « Les Européens ne sont malheureusement pas très conscients de cette réalité historique ». Mais « vu de Shanghai ou des Etats-Unis, la monnaie et la zone euro sont solides »

Sur l’avenir du couple franco-allemand, chahuté par les divergences économiques entre les deux pays, Jean-Claude Trichet rappelle qu’il n’y a pas de fatalité à la chute de compétitivité de la France. Il suffit de se rappeler qu’il n’y a pas si longtemps c’était l’Allemagne le « malade de l’Europe » pour s’en persuader. Mais il met en garde les Allemands qui voudraient profiter de leurs succès pour obtenir un poids accru dans les droits de vote au sein de la BCE. Il serait « dangereux » à ses yeux, d’aboutir à une « renationalisation » de la politique de la BCE fondée, depuis Maastricht, sur le principe un pays une voix. Au passage, Jean-Claude Trichet trouve « incroyable » que les Allemands ne donnent pas un « coup de chapeau » à la BCE qui a maintenu l’inflation à 2,4% sur 15 ans en moyenne, faisant ainsi mieux que la Bundesbank (2,9% en moyenne en 40 ans jusqu’à la création de la monnaie unique)

En revanche, il lui semble important de « rendre plus démocratiques les mesures d’ajustement » au sein de l’Union en donnant « plus de pouvoir au Parlement » – qui sera renouvelé lors des élections de mai prochain. L’ancien président de la BCE reconnait qu’une telle option n’est guère du goût des gouvernements ou de la Commission européenne. Mais le Parlement pourrait, par exemple, se voir attribuer un rôle « d’arbitre » entre les demandes de mesures d’ajustement du Conseil ou de la Commission européenne et un pays amené à en contester le bienfondé.

Interrogé sur les crises futures alors que le FMI s’inquiète de la situation dans certains pays émergents, Jean-Claude Trichet reconnait que « le monde change à une telle vitesse » que nous connaitrons forcément de nouveaux « tremblements de terre et des tsunamis ». Si les pays avancés ne font pas le nécessaire –réformes et redressement des finances publiques-, ils prépareront le « prochain épisode de la crise». S’ils font le nécessaire, « la prochaine crise viendra sans doute du pays émergent le plus négligent ».

Petit-déjeuner avec Jean-Dominique Senard, président de Michelin

. Les groupes industriels doivent avoir une base régionale équilibrée
. L’innovation sera le principal facteur de croissance de Michelin
. Il n’y a pas de fatalité à la désindustrialisation en Europe

D’ici à 2015, Michelin va investir chaque année l’équivalent de 2 milliards d’euros afin de renforcer sa base industrielle en Chine, en Inde, au Brésil mais aussi aux Etats-Unis, là où le marché automobile de la « première monte » continuera à progresser davantage qu’en Europe, a indiqué Jean-Dominique Senard, devant les journalistes de l’AJEF. Chacun de ces 4 investissements représente 600 à 650 millions d’euros. Il s’agit là d’une nécessité car « dans 15 ans, seules les entreprises industrielles bénéficiant d’une base régionale équilibrée continueront à aller de l’avant », a ajouté le Président-Gérant commandité de la multinationale du pneumatique qu’il pilote dorénavant seul (depuis mai 2012) après avoir été en double commande pendant un an avec Michel Rollier, nommé gérant commandité en 2006 après la mort accidentelle d’Edouard Michelin. Le groupe devrait ensuite poursuivre son programme d’investissements en 2016-2017 mais à un rythme plus modéré. Dans cette perspective, le marché chinois continuera à occuper une place importante, de même que les Etats-Unis « qui célèbrent actuellement leurs retrouvailles avec l’industrie » a-t-il affirmé.

Cette conquête de nouvelles parts de marché va de pair avec un effort tout particulier dans le domaine de l’innovation, l’un des points forts historiques de la firme de Clermont-Ferrand. « L’innovation qui représente quelque 10% du chiffre d’affaires, sera le principal facteur de croissance de Michelin », a souligné Jean-Dominique Senard. Le groupe investit actuellement 650 millions d’euros pour le seul secteur de la recherche-développement qui emploie 6000 personnes, sur un total de 111 300 salariés dans le monde (dont 22 500 en France), afin de faire face à « des concurrents puissants, notamment en Asie ».

Interrogé sur le débat économique et politique – français et européen – à propos de la désindustrialisation du continent M. Sénard a affirmé sa conviction qu’il « n’y a pas de fatalité dans ce domaine». Prenant l’exemple de l’Espagne qui « a retrouvé une compétitivité qu’elle n’avait pas » après une période économique extrêmement difficile, « La France et l’Europe peuvent tout à fait retrouver une industrie puissante ». Mais, ajoute-t-il, à condition d’aborder une indispensable période de « mutation industrielle en profondeur ». Ce qui, selon lui, implique pour la France « un environnement nouveau, économique, politique et social » qui permette de prendre réellement en compte les enjeux et d’y faire face.
Et pour Michelin, d’annoncer le 10 juin un plan de restructuration prévoyant l’arrêt de la fabrication de pneus poids lourds à Joué-lès-Tours et le regroupement de cette activité à la Roche-sur-Yon. Ce qui implique la perte de 730 emplois sur 927 à Tours. Une façon d’éviter le pire, mettre en danger plusieurs usines du groupe, a plaidé le gérant de Michelin qui a indiqué au Monde sa volonté de « créer environ 500 postes » en France.

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Petit-déjeuner avec Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE

. Des « aléas négatifs » pèsent sur la reprise dans la zone euro
. La faiblesse de l’inflation par rapport aux objectifs de 2% de la BCE devient « préoccupante »
. Aux gouvernements de faire leur part du chemin pour faciliter l’attribution de crédits à l’économie réelle

Le constat est lourd d’incertitudes. S’il existe des éléments positifs, comme « une demande extérieure porteuse de bonnes nouvelles » pour certains pays comme l’Espagne, la faiblesse de la demande interne et le mauvais fonctionnement du crédit comme relais de croissance constituent autant d’ «aléas négatifs » pesant sur l’espoir d’une reprise dans la zone euro, a souligné Benoît Coeuré. Un espoir déjà ténu puisqu’après un recul du pib de 0,5% en moyenne cette année, la zone euro pourrait connaitre une croissance limitée à 1% l’an prochain. Ces éléments d’incertitudes n’ont pas poussé la BCE à baisser ses taux d’intérêt directeurs lors du Conseil des gouverneurs du 4 avril. Mais ils seront suivis avec d’autant plus d’attention que l’inflation « s’écarte à la baisse » de l’objectif de 2% à moyen terme de la Banque Centrale Européenne : les prévisions de l’institution de Francfort tournent autour de 1,6% en moyenne cette année et tablent sur un rythme encore inférieur en 2014 ce qui est « préoccupant». En d’autres termes le risque de déflation existe bel et bien.

Autre élément d’inquiétude, et non des moindres, « la difficulté persistante de la transmission du bas niveau des taux d’intérêt dans un certain nombre de pays ». Certes, il est normal que les taux exigés des PME espagnoles, par exemple, soient supérieurs à ceux demandés à des PME allemandes, compte tenu de risques différents. Mais la dispersion est « trop forte » selon Benoît Coeuré et handicape le bon fonctionnement du marché du crédit « dans une grande partie de la zone euro ». Or, sur ce terrain, la politique monétaire peut contribuer à réduire cette dispersion excessive mais ne peut, à elle seule, résoudre tous les problèmes.

La question, selon le membre du directoire de la BCE tient en partie au bilan des banques de la zone euro. Sans être tous « pourris », certains des actifs bancaires détenus avant la crise financière ont été dégradés. Et depuis la crise, il est demandé aux institutions financières de nettoyer leurs bilans et d’être plus prudentes pour éviter de nouveaux errements. En résumé, « les banques ont de moins en moins de capacités et… d’envie de prêter à l’économie réelle ».

Pour sortir de ce cercle vicieux, Benoît Coeuré a confirmé que la BCE était prête à agir pour limiter les risques qui planent sur la reprise dans la zone euro. Mais elle ne se décidera sur les instruments « conventionnels ou non » pour reprendre l’expression du président Mario Draghi, permettant de les contrer qu’après avoir effectué une évaluation des mécanismes déjà en place. Quitte à élargir encore la gamme de garanties (collatéraux) dont bénéficient les banques s’il le faut.
Mais il appartient aux gouvernements de faire leur part du chemin. En offrant des garanties nationales aux crédits -comme au travers de la BPI en France- ou européenne -grâce à la Banque Européenne d’Investissement-. Et en mettant en place un « mécanisme de contrôle et de surveillance unique bancaire ». Un tel mécanisme, s’il avait existé, aurait permis d’éviter la crise chypriote. Même si cette crise constitue un cas à part dans la mesure où le secteur bancaire représentait 7 à 8 fois le PIB de l’Ile, il est urgent de renforcer la crédibilité des banques de la zone euro. A la lumière d’une nouvelle philosophie internationale au sein de l’Union comme au FMI : « en finir avec la socialisation des pertes et la mutualisation des risques ».

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Petit-déjeuner avec Baudouin Prot, Président de BNP Paribas

. L’Europe a les moyens de participer à la régate économique mondiale
. La Fed, la BCE et la Banque populaire de Chine sont les maîtres du monde
. La Russie doit participer au règlement de la crise chypriote

Pour Baudouin Prot, nous vivons une période de changements profonds auxquels il convient de s’adapter, tant elle est riche d’opportunités. En d’autres termes, « il n’y a pas de raison de désespérer ». La Chine vient de se doter d’une nouvelle classe dirigeante pour 10 ans et cherche à recentrer sa croissance, longtemps dépendante des exportations, sur la consommation interne. L’explosion des classes moyennes en Asie, en Inde et en Amérique Latine, est porteuse de nouveaux marchés. Et si, en Europe mais aussi aux Etats-Unis, le temps de la maturité est venu sur ce terrain, les Européens ont les moyens de participer à « la régate économique mondiale ».

Sur le front énergétique, l’évolution est, aussi, patente. Les gaz de schistes vont permettre aux Américains de devenir dans quelques années auto-suffisants, une véritable « révolution économique et géopolitique ». Et si l’Agence Internationale de l’Energie continue de prévoir un pétrole cher, compte tenu de la demande des pays émergents et de la volonté de la Russie et de l’Arabie Saoudite de défendre un prix d’équilibre qui leur soit favorable, certains experts n’excluent pas une modération des cours autour de 80 dollars, ce qui permettrait une hausse d’un demi-point de la croissance en Europe.

L’Union européenne a d’ailleurs fait beaucoup de progrès durant la
crise financière et des dettes souveraines, estime le président de BNP Paribas. Désormais, chacun est persuadé que le président de la BCE, Mario Draghi, « fera ce qu’il faut pour juguler la crise de l’euro ». Et désormais, « les maîtres du monde ce sont les présidents de la Fed, de la BCE et de la Banque Populaire de Chine ». Il n’est pas anodin que les nouveaux dirigeants de Pékin aient décidé de reconduire à son poste de gouverneur de la Banque Centrale le « remarquable » Zhou Xiaochuan, atteint, à 65 ans, par la limite d’âge. Nul n’a voulu prendre le risque de changer un homme clé dans la gestion de 35 000 Milliards de dollars…

Interrogé sur le plan de sauvetage du système bancaire chypriote, dont le bilan représente huit fois le PNB du pays et qui tient de la zone off shore, Baudouin Prot a souhaité « que la Russie participe à ce règlement global ». Moscou, hostile à la décision de l’Union européenne de demander une taxation des dépôts bancaires, compte parmi les principaux bailleurs de fonds de Chypre. Pour le président de BNP Paribas, il paraitrait « raisonnable » de trouver des solutions « pour que ce ne soient pas uniquement les classes moyennes européennes qui soient mises à contribution ». Baudouin Prot a précisé que sa banque est « sortie de l’économie chypriote il y a des années » et n’a « pratiquement pas un euro d’exposition sur Chypre ».

Les dessous des relations inter-entreprises : quelles pratiquees et quels enjeux pour la compétitivité ?

Spoliation de propriété intellectuelle, modifications unilatérales de contrats, non-respect des délais de paiement … Le déséquilibre contractuel entre PME et grands groupes est un facteur d’affaiblissement de la compétitivité en France, contrairement à l’Allemagne. Pierre Pelouzet présentera les coulisses de la Médiation Inter-entreprises et dressera un inventaire vivant des mauvaises pratiques mais aussi des démarches d’achats responsables qui voient progressivement le jour.

Retrouvez tous les Ateliers de Bercy ici.

Arnaud Montebourg

Petit-déjeuner avec Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif

. La France offrira dans six mois « le visage de son renouveau industriel »
. En dépit de sa récente baisse, l’euro est « encore trop fort »
. Les Italiens ont dit qu’ils « n’étaient pas d’accord avec la politique imposée par les marchés »

« Il existe en fait deux Bercy : le productif et l’économique. Pour notre part, nous préparons l’avenir de l’appareil productif et, dans six mois, la France offrira « le visage de son renouveau industriel », a indiqué Arnaud Montebourg le 26 février devant les journalistes de l’AJEF. Se faisant l’avocat du « volontarisme », il a fait référence à la politique pratiquée par le président américain F-D Roosevelt au sortir de la Grande Dépression des années 30. Il y a dans notre pays des « Made in France partout », a-t-il ajouté, défendant à la fois une politique de relocalisation « qui commence à porter ses fruits » et un « marketing patriotique » que certains groupes de la grande distribution déclinent à présent dans leurs rayons, a-t-il relevé.

Le ministre du Redressement productif a évoqué par ailleurs les programmes d’avenir « pompidoliens » qu’il compte appliquer dans plusieurs filières. Dont l’automobile, autour de l’innovation, par exemple à propos du projet de moteur consommant 2 litres aux 100km qui exige d’importants investissements de la part des constructeurs. Ou encore le « TGV du futur » qui permettra de transporter 300 voyageurs de plus en transformant l’actuel système de locomotion. Par ailleurs, il s’est inscrit en faux contre l’idée d’une perte de compétitivité de la France, affirmant que le pays figure encore au 3ème rang mondial pour les investissements industriels étrangers. « L’exemple de Toyota qui a fait le choix de s’implanter en France démontre que la question du coût du travail est certes importante mais qu’elle n’est pas le déterminant principal »

Interrogé sur la valeur de l’euro (1,30 dollar),il s’est dit « content » de la baisse actuellement observée. Mais il est « encore trop fort » et sa valeur ne correspond pas aux fondamentaux économiques de la zone euro, estime-t-il. La Chancelière allemande « ne peut pas diriger seule l’Europe et fixer la parité de l’euro », a-t-il affirmé, faisant allusion aux propos de Angela Merkel en faveur d’un euro fort. « Je demande à ce que nous politisions davantage l’euro comme le font d’autres pays pour leur monnaie » a-t-il ajouté. « Je considère que la questions doit être posée à la BCE de faire comme la banque centrale d’Angleterre qui a monétisé une partie de sa dette pour soulager le contribuable britannique », a indiqué le ministre, citant également l’exemple américain où la Fed a mis en oeuvre un vaste programme de rachats d’actifs.

A propos des élections législatives en Italie qui s’étaient déroulées la veille et qui débouchent sur une impasse politique, M. Montebourg a estimé que « les Italiens ont sanctionné la politique imposée par les marchés mais aussi par l’Allemagne ». « Je pense que les peuples ne sont pas prêts à passer sous la table » a-t-il indiqué, ajoutant que « les conséquences d’un vote souverain ne devraient même pas être discutées ».

Jean Pisani Ferry Alain Lipietz

Petit-déjeuner avec Jean Pisani-Ferry, directeur du centre de réflexion Bruegel et Alain Lipietz, économiste, ancien eurodéputé (EELV)

. Pisani-Ferry : Les risques sociaux et politiques dans les pays du Sud ont été pris « trop à la légère »
. Lipietz : Redonner du pouvoir d’achat ne suffit pas. Il faut investir dans un « green deal » pour répondre, aussi, à la crise écologique.
. Pisani-Ferry : on devrait s’enorgueillir des fonds structurels, un « super plan Marshall » sans commune mesure avec les project bonds

Diagnostic : Pour Jean Pisani-Ferry, le Conseil européen du 22 juin dernier a constitué une étape : les pays de la zone euro ont enfin reconnu que la crise a fait éclater au grand jour les défauts de conception de la zone euro. Mais l’Europe a été « trop timide » et a laissé s’aggraver la fracture entre les pays du Nord et les pays du Sud. Les risques sociaux et politiques en Grèce, en Espagne ou en Italie ont été pris « trop à la légère ». Dans ces conditions, l’austérité, inévitable, « ne constitue qu’une partie de la réponse ». Il faut adopter une stratégie de croissance pour faire repartir les pays du Sud.
Une approche insuffisante, selon Alain Lipietz. A ses yeux, la crise de la zone euro se rajoute à une crise mondiale mais aussi à une double crise écologique : une crise alimentaire avec ses conséquences sur la santé et une crise énergétique avec ses effets climatiques et ses risques d’accidents. On ne peut se contenter, comme au lendemain de la crise de 29, de redonner du pouvoir d’achat : dès que la tourmente s’apaise, les marchés de produits alimentaires et énergétiques repartent à la hausse. Pour lui, la seule réponse cohérente, est d’ « organiser une demande verte ». Un « green deal » qu’il voudrait mondial et qui a un coût financier pour assurer des investissements durables. Contrairement, par exemple, à l’Espagne qui « s’est couverte d’autoroutes financées pour moitié par l’Union européenne »… qui ne sera jamais remboursée.
Les deux économistes sont, en revanche, d’accord pour penser qu’il est urgent de donner pays les plus malmenés de plus longs délais pour affronter leurs échéances et s’en sortir. « Jusque 12 ans » dans le cas grec souligne Jean Pisani-Ferry. Et Alain Lipietz de rappeler qu’on peut donner du temps au temps : « les Allemands ont fini de rembourser leur dette de 1914-18… en 2010 ».

Le cas grec : Si le rachat de dette publique grecque par la BCE a permis de réduire les taux d’intérêt, cela ne suffit pas, souligne le directeur de Bruegel. « On ne peut traiter les problèmes systémiques de la zone euro de façon locale » renchérit Alain Lipietz. Fallait-il laisser entrer la Grèce dans la zone euro ? La réponse des deux intervenants est claire : « non ». La Pologne, elle, a raison d’attendre de pouvoir le faire dans de bonnes conditions. Avec le recul du temps, on mesure les effets pervers de taux d’intérêt tirés vers le bas par les meilleures signatures de la zone : les Grecs ont multiplié les mauvais investissements prolongé une mauvaise gouvernance. Bref, entre l’Union européenne et les pays du Sud, les « responsabilités sont partagées ». Mais pour les deux économistes, une sortie de la Grèce de l’euro aurait un coût « énorme » pour les populations.

Union bancaire : En attendant, il est urgent de ne pas perdre de temps, de dé-corréler le risque bancaire du risque souverain. Car l’Europe du Sud n’est plus financée s’inquiète Jean Pisani-Ferry. Il existe une crise de balance des comptes courants au sein même de la zone euro avec le retrait brutal des pays du Sud des capitaux venant du Nord. En cette veille de Conseil européen des 13 et 14 décembre, un compromis lui semble possible entre Madrid et Berlin sur une recapitalisation des banques espagnoles par le biais du Mécanisme européen de Stabilité (MES). Comme il ne lui semble pas compliqué de trouver un compromis franco-allemand sur le volet surveillance de l’Union bancaire. L’autorité ultime appartiendra à un superviseur européen, la BCE, mais il reviendra aux autorités nationales de retirer sa licence à une banque, en cas de besoin. Bien sur, la supervision par la BCE des 6000 banques de la zone euro exigera de l’institution qu’elle s’organise. « C’est compliqué mais gérable » pour le directeur de Bruegel.

Union budgétaire : Sur ce sujet, on est encore dans le flou et on voit mal se profiler un compromis politique selon Jean Pisani-Ferry. Le ministre français de l’Economie et des Finances Pierre Moscovici commence à en parler pour la zone euro, au nom d’une « intégration solidaire ». Une union budgétaire pourrait servir d’assurance contre les chocs grâce à des transferts temporaires. Mais les esprits ne sont pas mûrs. Et il existe un système de transferts au sein de l’Union, grâce aux fonds structurels qui représentent un « super plan Marshall » pour les pays et régions en retard dont « on devrait s’enorgueillir ». En regard, le plan de relance de 120 milliards d’euros annoncé par l’Union représente peu de chose. Quant aux « project bonds », leur « ridicule » enveloppe de 400 millions d’euros ne changera pas la face de l’économie européenne.

Michel Barnier

Petit-déjeuner avec Michel Barnier, Commissaire européen au Marché intérieur et services financiers

. Services financiers : Il faut passer de la régulation préventive et réparatrice à une dynamique pour la croissance
. Séparation des activités à risque des banques : Le problème n’est pas d’avoir des projets différents selon les pays mais qu’ils soient compatibles.
. L’Europe doit renforcer son ambition et son audace industrielle. Le bon niveau de patriotisme est européen

Pour Michel Barnier, la difficulté de sortir de trois ans de crises à répétition tient au fait « qu’il faut tout faire en même temps » : consolider les budgets, aller plus loin dans les réformes structurelles, mieux réguler les services financiers, tout en visant « plus d’intégration démocratique ».

Pour que la régulation financière, actuellement « préventive et réparatrice » permette de passer à une « dynamique pour la croissance », il s’est fixé trois secteurs névralgiques : une directive sur les fonds de pension qui prendra sans doute quelques mois avant d’aboutir ; Solvancy II qui prend « un peu de retard » pour offrir aux assureurs des garanties sur le long terme ; Bâle III sur de nouvelles règles prudentielles pour renforcer la crédibilité et la solvabilité des banques.

Sur ce dernier point, le Commissaire s’est refusé à « tout procès d’intention » à l’égard des Etats-Unis qui n’ont pas appliqué les règles de Bâle II et viennent d’annoncer unilatéralement le report de Bâle III dont le G20 s’était engagé à commencer la mise en œuvre le 1er janvier 2013. Américains et Japonais refusent notamment les deux nouveaux ratios de liquidité (à un mois et à un an) envisagés par cet accord. En attendant les conclusions du Comité de Bâle, au début de l’an prochain, Michel Barnier entend « écouter tout le monde ». Et souligne, qu’en Europe, quelque 8 000 banques sont concernées par Bâle III alors qu’elles ne sont que 30 aux Etats-Unis.

Interrogé sur le projet de loi français visant à isoler les activités de marché à risque des banques, Michel Barnier a estimé que: « François Hollande fait ce qu’il a dit ». A ses yeux, le problème n’est pas de voir chaque pays voter des législations différentes mais de s’assurer « qu’elles soient compatibles ». Ses services feront des études d’impact pour savoir où situer le curseur de ces activités à risque pour ne pas paralyser les banques tout en protégeant leurs clients et les contribuables en cas de crise.

Pour le Commissaire européen, le maître mot doit être la « transparence ». Pour le shadow banking, qui assure 30% des transactions bancaires et dont toutes les activités ne sont pas à rejeter. Comme pour le trading à haute fréquence, difficile à surveiller compte tenu de la rapidité des échanges d’actifs. Là il faut calmer le jeu. Tout comme pour le marché des matières premières où il convient de limiter les positions à « risque monopolitique ».

Quant à l’Union bancaire européenne, qui doit aboutir à la supervision par la BCE des 6.000 banques de la zone euro, son entrée en vigueur au 1er janvier prochain dépend d’un accord politique qui, l’espère le Commissaire, sera obtenu lors du prochain Conseil européen des 13 et 14 décembre. Son calendrier effectif ne pourra être établi que par la suite.

Sur l’affaire Arcelor Mittal, Michel Barnier estime que la France a raison de vouloir préserver sa base industrielle, « s’il le faut avec du volontarisme public ». Mais il lui faut prendre gade de ne pas décourager les investisseurs étrangers. Au total, l’ « Europe doit retrouver son ambition et son audace industrielle », celle du temps de la création de la CECA et de la PAC. Il ne s’agit pas de suivre « une politique industrielle de grand papa » mais d’investir. Car il n’est pas question de faire de l’Union un « supermarché », « un territoire de consommation des (seuls) produits chinois et américains ». En sachant que « le bon niveau de patriotisme industriel, c’est l’Europe ».