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Il faut sauver « les chiens de garde de la démocratie»

« Et une seule chose ne cèderai-je à personne : la recherche de la vérité ». Au moment où la liberté d’expression, pierre angulaire de toute société démocratique, apparaît à certains négociable, il n’est pas inutile de faire revivre ce rappel à l’ordre journalistique – et politique – lancé par Théophraste Renaudot. C’était il y a bien longtemps, en 1632, mais, déjà, le père fondateur de « La Gazette », le premier journal français qu’il avait créé un an plus tôt, éprouvait le besoin d’affirmer une pratique de l’information indépendante dont il invitait ses contemporains à s’emparer, pour ne plus la lâcher. « Jouissez donc à votre aise de cette liberté française » conseillait-il.

Depuis, des progrès réels ont été accomplis, gravés dans des textes législatifs qui, en principe, protègent le travail des journalistes et l’information du public face à tous les pouvoirs. Mais la tentation demeure, chez ces mêmes pouvoirs, de reconquérir plus ou moins discrètement les espaces de liberté collective chèrement acquis par « les chiens de garde de la démocratie » puisque c’est ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme  désigne la communauté des professionnels de l’information, une appellation qui n’a rien d’infamant, au contraire. Car c’est bien de « chiens de garde », voire de « lanceurs d’alerte » qu’il s’agit à présent, face à l’emprise croissante du monde économique pour faire prévaloir ses seuls intérêts et au regard desquels les héritiers de Théophraste Renaudot sont bien démunis. Tout comme le pouvoir politique, lui aussi désarmé quand il ne s’est pas laissé volontairement instrumentaliser.

L’épisode dit du « secret des affaires » est une illustration grandeur nature d’une opération qui, sous couvert d’une noble ambition – protéger le potentiel économique, scientifique et technologique de la nation – aboutit en fait à tenter de priver de parole ceux qui seraient tentés de dénoncer les inévitables dérives de cette démarche patriotique. Inspirée du « secret défense », une proposition de loi « visant à sanctionner la violation du secret des affaires » avait été rédigée et défendue, début 2012, par son rapporteur, Bernard Carayon, à l’époque député UMP du Tarn et lui-même président d’une fondation regroupant les grands noms de l’industrie.

Ce texte prévoyait la condamnation – à forte amende et peine d’emprisonnement – pour « divulgation non autorisée » de toute « information à caractère économique protégé » de nature « commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique ». En somme le matériau de base de tout journaliste exerçant simplement son métier de recherche d’information. Auditionnés par ledit rapporteur, les représentants de l’AJEF avaient alors manifesté leur ferme opposition à ce texte liberticide et leur intention de mobiliser la profession pour obtenir que le parcours de cette proposition de loi sur le « secret entreprise », adoptée par l’Assemblée en première lecture puis bloquée au Sénat, en reste là. L’élection présidentielle, le changement de majorité et les priorités du moment ont fait que cette question est restée quelque temps hors actualité. Mais ses partisans n’avaient pas désarmé et sous couvert de l’impérieuse nécessité de lutter contre l’espionnage industriel, les mêmes avaient réussi à faire inclure dans « la loi Macron », débattue au Parlement à partir de janvier 2015, des dispositions très voisines du texte de 2012.

Cette fois, la réaction de la profession a été plus musclée. Elle a notamment revêtu la forme d’une pétition rassemblant plus de 13 000 signatures de journalistes et d’organisations liées à l’information, demandant le retrait pur et simple de cet amendement. C’est d’ailleurs l’exigence qui a été formulée en direct par le président de l’AJEF, auprès d’Emmanuel Macron, à l’occasion des vœux à la presse du ministre de l’économie, le 29 janvie 2015r. Conscient de l’enjeu politique, en plein débat sur les autres aspects de « sa » loi, le ministre a obtenu de Matignon et de l’Elysée que cet amendement, finalement jugé « ni opportun ni judicieux », soit effectivement retiré.

La profession, organisée autour de tous ceux qui ont pour mission d’informer librement, avait tout lieu de se réjouir de l’abandon de cette « nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme » et de rappeler que « informer n’est pas un délit ! ». C’était oublier que les lobbies et les entraves à la liberté de la presse n’ont pas de frontière. Car c’est à présent de Bruxelles que vient le danger, sous forme d’une directive, toujours sur « le secret des affaires ». Il s’agit d’un texte proposé en novembre 2013 par la Commission européenne et qui consiste à « établir des règles protégeant les secrets d’affaires contre l’obtention, la divulgation et l’utilisation illicite » d’informations « sans le consentement du détenteur et d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes ». De quoi museler le journalisme d’investigation et , de façon plus générale », la recherche d’information « non autorisée », ce qui, encore une fois, est la démarche première de notre métier. Certes, ce texte, assorti de la menace de sanctions civiles et pénales à destination des contrevenants, comporte une mention relative à l’usage « de la liberté d’informer » Mais que vaut-elle au regard des énormes contraintes qui prévalent quant à l’accès aux sources. De l’extérieur comme de l’intérieur des entreprises, ce qui pose aussi la question du sort réservé aux « lanceurs d’alerte » sans lesquels les énormes scandales du Mediator, des prothèses mammaires défaillantes, de LuxLeaks et tant d’autres, n’auraient jamais été dévoilés.

Cet épisode est d’autant plus préoccupant qu’il intervient au moment ou d’autres initiatives parlementaires – européennes et nationales – risquent elle aussi d’entraver la liberté d’information, faute de réels garde-fous. Il en est ainsi du projet européen de protection des données à caractère personnel et, plus près de nous, du projet de loi sur le renseignement qui ne comporte aucune mesure dérogatoire pour les journalistes qui peuvent donc être surveillés – espionnés – tout comme leurs sources d’information. L’affaire dite « des fadettes », à savoir les relevés téléphoniques de journalistes transmis à la police et à l’autorité judiciaire pour identifier leurs sources d’information, est un très mauvais présage du danger qui guette la profession. Au moment où, justement, le renforcement de la protection du secret des sources, régulièrement annoncé par l’exécutif, de droite comme de gauche, est toujours au point mort.

L’ex-président Sarkozy a quitté l’Elysée avant d’avoir honoré sa promesse et son successeur risque de faire de même. Le projet de loi déposé en juin 2013, sous le gouvernement Ayrault , destiné à renforcer la protection du secret des sources des journalistes, a été examiné peu de temps après par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Depuis, plus rien, sinon l’engagement du président Hollande, en janvier 2015, lors de ses vœux à la presse, que ce texte soit voté d’ici à la fin de l’année. Croisons les doigts, il y urgence…

Serge Marti, président de l’AJEF, Association des Journalistes Economiques et Financiers

*Le Guide des journalistes économiques, 170 €. Pour le commander : sur internet, www.leguidedupouvoir.fr, par courrier, Editions du Pouvoir, 6 rue de Bellechasse 75007 Paris, ou au téléphone, 01 42 46 58 10.

Petit-déjeuner avec Nicolas Dufourcq, directeur général de BpiFrance

  • Présente dans 800 entreprises et indirectement dans 4000, BpiFrance injecte quelque 11 milliards d’euros par an dans l’économie
  • Il faut accélérer le retour des fonds étrangers pour que Paris redevienne une grande place financière
  • La constitution du groupe de Patrick Drahi à « des taux pratiquement dérisoires » « construit une puissance française »

Pour mesurer le chemin parcouru par Bpifrance depuis sa création, en janvier 2013, son directeur général Nicolas Dufourcq a souligné qu’elle a injecté « environ 11 milliards d’euros chaque année dans les entreprises françaises » pour promouvoir l’innovation, notamment dans les PME et les amener à s’ouvrir plus largement à l’international. L’institution est désormais « présente en direct dans 800 entreprises françaises et indirectement dans 4000 sociétés ». Cette « banque courte échelle » qui permet aux PME d’accéder au crédit, avec le cofinancement des banques privées, a porté ses prêts à l’innovation à 80 millions d’euros, une hausse de 15%, au profit d’une trentaine d’entreprises au premier trimestre 2015. Et ses opérations de catalyseur de capital risque – là aussi « toujours avec un partenaire français ou étranger »- se montent entre 600 à 800 millions d’euros par an. Avec une priorité donnée au numérique, à la biotechnologie, à la santé. Préoccupé de voir à quel point « le capital risque est cloisonné en Europe », Nicolas Dufourcq entend bien s’appuyer sur le plan Juncker et les crédits du Fonds européen d’investissement (FEI) pour multiplier des opérations transnationales en Europe.

Pour renforcer la portée internationale de son action, Bpifrance investit aussi en fonds propres hors de France, en Israël, en Indonésie, en Californie et en Chine où une structure conjointe a récemment été créée avec la China Development Bank.
Il existe désormais 3 fonds franco-chinois, un au Brésil et un sur l’Afrique pour faciliter l’implantation d’entreprises françaises et leur démarrage. Mais aussi pour que les dirigeants étrangers prennent en compte les atouts français en matière d’innovation et de technologie. Car Nicolas Dufourcq plaide pour le retour « des fonds étrangers » afin que Paris redevienne une grande place financière. Enfin, toujours sur le front international, le transfert de la gestion des garanties publiques export, actuellement du ressort de la Coface, permettra à BpiFrance de compléter sa boîte à outil internationale.

Interrogé sur la situation des PME, Nicolas Dufourcq se veut prudemment optimiste. « Le stress de trésorerie s’éloigne et les marges bénéficières sont revenues à leur niveau d’avant la crise, grâce notamment au CICE ». Mais « il nous faut leur donner la pêche en faisant du porte à porte. Nous en avons fait 75 000 en 2014 ». Après avoir créé une école des PME, une école des ETI va l’être pour offrir une panoplie complète de conseils en gestion. Et si, volontariste, il se félicite du succès de Blablacar où BpiFrance a mis quelques fonds au départ, et espère voir « revivre l’esprit entrepreneurial qui a disparu en 2000 » pour que la France « fabrique deux licornes(1) par an et non plus une tous les cinq ans», il est conscient de la difficulté du chemin à parcourir pour « accélérer la logique de la puissance » et faire croire  que « la France est un lion ». Sur cette voie, la politique de Patrick Drahi qui s’est porté acquéreur du quatrième câblo-opérateur américain, Cablevision, est-elle un bon exemple ? La réponse du directeur général de BpiFrance à cette interrogation est claire : « Comme il achète systématiquement des entreprises qui engendrent beaucoup de résultat opérationnels », Patrick Drahi peut, selon lui, « continuer à s’endetter à des taux pratiquement dérisoires ». Et si cela « construit une puissance française, tant mieux ».

FC

 

Grand Prix Franco-Allemand des Médias

Le Grand Prix Franco-Allemand des Médias 2015 a été attribué à l’association internationale d’artistes « Cartooning for Peace ». Elle réunit des caricaturistes des quatre coins du monde qui s’engagent pour la promotion d’un dialogue entre les cultures et pour le droit à la liberté d’expression dans le monde. La remise du Prix aura lieu le 1er juillet 2015 à Paris.

Le blogueur saoudien Raif Badawi s’est vu attribuer un Prix spécial. Par ce geste, les organisateurs veulent manifester leur soutien aux efforts menés dans le monde entier pour libérer ce jeune homme de 31 ans. Alors qu’il militait sur son site web pour une libéralisation de la société, le blogueur a été condamné l’année dernière à 10 années de prison et 1 000 coups de bâton ainsi qu’à une amende de 200 000 euros. En janvier dernier, Raif Badawi a survécu à la première séance de 50 coups de bâton au prix de blessures particulièrement graves.

Le Prix Franco-Allemand du Journalisme (PFAJ) a été fondé en 1983 par la Saarländischer Rundfunk. Les partenaires du PFAJ sont: Deutschlandradio, la Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF), France Télévisions, la Saarbrücker Zeitung, ARTE, la Robert Bosch Stiftung, la Deutsche Welle, Le Républicain Lorrain, Radio France, l’Office franco-allemand pour la Jeunesse, l’Université franco-allemande, la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik ainsi que la Fondation Robert Schuman.

Plus d’informations sur le site de l’ambassade d’Allemagne >

Mouvements et nominations de Juin 2015

Anne-Sophie von Claer a été nommée rédactrice en chef du prochain supplément du Figaro (lifestyle, culture et beauté), qui sortira en septembre. Laurence Benaïm en sera la chef d’édition.

Jean-Luc Bardet
 est désormais rédacteur en chef du desk France à l’AFP.

Thiphaine Saliou
 a été nommée reporter au service divertissement de Prisma Media.

Pascal Golomer
 a été nommé directeur de la rédaction de France Télévisions. Il remplace Thierry Thuillier, qui a pris la tête du programme des sports chez Canal+.

Marie-Eve Malouines a été nommée présidente de LCP-Assemblée Nationale. C’est la première femme à occuper ce poste.

Lise Jolly est maintenant rédactrice en chef du mensuel ParisBerlin.

Ingrid François-Feuerstein
 est maintenant reporter au service France des Echos, où elle couvrira l’actualité des finances publiques.

Les conférences de l’année 2014-15

6 mai 2015
« La croissance perpétuelle : une idée maintenant périmée? » Débat entre Patrick Artus (Natixis) et Christian de Perthuis (Paris-Dauphine)

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15 avril 2015
« Les nouveaux chemins de la croissance passeront-ils par le bonheur ? » avec Martine Durand (OCDE)
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12 mars 2015
« Quels liens entre politique monétaire et croissance économique ? » avec Benoît Ceuré, membre du Conseil des gouverneurs de la BCE
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21 janvier 2015
« Les pays développés sont-ils condamnés à une croissance lente ? La prise en compte d’une croissance endogène change-t-elle la donne ? » avec Philippe Aghion (Harvard, Collège de France)
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10 décembre 2014
« Faut-il craindre une phase de stagnation centenaire dans les pays développés ? », avec Michel Aglietta (CEPII)
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5 novembre 2014
« Croissance et progrès technique : bonds et rebonds de la productivité depuis 50 ans.Une grande énigme résolue : le développement accéléré en Europe à la fin du premier millénaire » avec Mathieu Arnoux, historien (EHESS) et Dominique Guellec (OCDE)
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15 octobre 2014
« Quelle France dans dix ans ? » avec Karine Berger, députée socialiste, Selma Mahfouz, commissaire générale adjointe à la Stratégie et à la Prospective, Karine Berger, députée, et Eric Woerth, ancien ministre du Budget, député maire UMP.
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Petit-déjeuner avec Gonzague de Blignières, fondateur et président de la société de capital investissement Raise, et Clara Gaymard, présidente de « Raise fonds de dotation », de GE France et du Women’s Forum

– La France ne compte pas assez d’Entreprises de taille intermédiaire (ETI), ce qui constitue un puissant frein à l’emploi.
– Pour débloquer cette situation, les grands groupes doivent s’engager aux côtés des petites entreprises, et les aider à grandir.
– La solution passe par le développement d’un capital « patient »

L’une des faiblesses de l’économie française, diagnostiquent Gonzague de Blignières et Clara Gaymard, réside dans son incapacité à faire croître ses entreprises, qu’il s’agisse de start-ups récentes ou d’entreprises déjà établies. « Moins de 5% des entreprises emploient plus de 10 salariés, contre 18% en Allemagne et 23% aux Etats-Unis », soulignent-ils. Si la France se hissait à 10%, 400 000 emplois nets pourraient être créés dans l’Hexagone. Autre effet pervers de cette situation : aux Etats-Unis, nombre de grands groupes n’existaient pas dans les années 60. En France, si l’on observe la liste des entreprises du CAC 40, il n’y en a que très peu, et leur capitalisation n’est pas très importante.

Comment y remédier ? A leur échelle, les deux intervenants ont témoigné d’un dispositif original qu’ils ont mis en place depuis 2014, en créant une société de capital investissement, Raise, et une fondation sous forme de mécénat à destination des startups, Raise fonds de dotation, alimenté par les actionnaires de la société d’investissement.

Bouygues, Safran, Accor, Société Générale, Axa, familles Dassault et Bettencourt sont, parmi d’autres, les actionnaires de Raise. Ce dernier a levé au total 300 millions d’euros pour prendre des participations minoritaires (10 à 30 millions d’euros à chaque fois) dans des ETI de 50 à 500 millions d’euros de chiffre d’affaires. Particularité de ce tour de table qui réunit plus de la moitié du CAC 40: les actionnaires s’engagent à abandonner 10% (50% ?) de leurs futures plus-values au fonds de dotation. Ils ont d’ores et déjà effectué une avance de 20 millions d’euros pour lui permettre de démarrer ses activités.

« Ces sont les grandes entreprises françaises qui aident les petites », résume Gonzague de Blignières. Au programme, l’attribution de prêts d’honneur aux créateurs d’entreprise, mais aussi du conseil et un programme d’accompagnement aux entrepreneurs, qui peut durer de 4 à 18 mois. Ces derniers sont suivis par un dirigeant d’une grande entreprise de leur secteur : un directeur de Danone œuvre auprès du fondateur de la start-up « La fabrique à cookies », un responsable de Sonepar couve le créateur d’un site de vente de matériel de bricolage sur internet.

Des patrons de grandes entreprises interviennent également lors des « mardis de Raise » organisés au siège : récemment, Maurice Lévy (Publicis) est venu parler de communication avec les jeunes créateurs d’entreprise. Lors de ces réunions, les questions les plus opérationnelles sont à l’ordre du jour, depuis le recrutement jusqu’au choix de l’investisseur pour la deuxième levée de fonds.

La France a multiplié les « mesures pour l’amorçage d’entreprises » constate Clara Gaymard. « Cette effervescence a du bon car il vaut mieux avancer désorganisé que piétiner dans l’ordre ». Mais il y a un « trou dans la raquette »: 8% des nouvelles entreprises ne survivent pas à leur première année, 12% à leur troisième ou quatrième année ». Ce qui manque aujourd’hui en France, c’est l’écosystème, conclut-elle. Nous essayons d’être un accélérateur de croissance. » Pour Gonzague de Blignières, évoquant l’Allemagne des années 60 dont les banques ont investi massivement dans le « Mittelstand », « il faut du capital patient, intelligent, qui laisse les dirigeants des entreprises à la manœuvre ».

De la crise à la reprise, enjeux et problématique du financement des entreprises à la mi-2015

Le Médiateur du crédit vous propose de faire le point sur tous les sujets d’actualité liés au financement des entreprises: nouvelles modalités de financement (placement privé, crowdfunding…), tensions de trésorerie en phase de rebond, restructuration des dettes, transmission et reprise d’entreprise… ainsi que sur les chantiers en cours à la médiation: engagements des banques vis à vis des entrepreneurs, lisibilité des tarifs des produits de financement proposés aux TPE…

Retrouvez tous les Ateliers de Bercy ici.

Les textes qui fragilisent la liberté de la presse

En Europe, un projet de directive sur le secret des affaires (1) risque de créer un climat d’insécurité juridique pour les journalistes. Il pourrait freiner nos velléités d’investigations du fait des pouvoirs accrus accordés aux puissances économiques. La protection des lanceurs d’alerte se réduirait comme une peau de chagrin alors même qu’ils sont d’ores et déjà malmenés, à l’image des poursuites judiciaires que subit Antoine Deltour suite au scandale Luxleaks. Un autre projet européen (2), soi-disant destiné à protéger la vie privée, veut rendre amnésique une partie d’Internet. La quasi-totalité des sites en ligne se verraient opposer le droit à l’oubli numérique, une notion déjà consacrée par la justice européenne en 2014. Dans l’intérêt général, il est essentiel que la presse bénéficie d’un régime dérogatoire.

C’est d’ailleurs ce que prévoit le texte en débat. Il y va de notre mémoire, de notre histoire, de notre démocratie. En France, le projet de loi sur le renseignement (3) souhaite que les agents des services l’Etat puissent utiliser toutes les techniques modernes de surveillance. Les chiens de garde de la démocratie — c’est ainsi que nous appelle la Cour européenne des droits de l’homme — sont menacés. Sur simple décision du Premier ministre, nos conversations téléphoniques, nos e-mails, nos documents ou encore nos enregistrements audio pourront être espionnés. Bref, trois textes en préparation menacent la liberté d’information.

Tandis que le renforcement de la protection de nos sources n’avance toujours pas. En 2013, le gouvernement Ayrault avait déposé un projet de loi (4). Cela fait un an et demi que le dossier est gelé.

1/Le projet de directive sur le secret des affaires: un risque d’atteinte à la liberté d’information

– De quoi s’agit-il ?
L’objectif affiché par la Commission européenne consiste à « établir des règles protégeant les secrets d’affaires contre l’obtention, la divulgation et l’utilisation illicites, sans le consentement du détenteur et d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes ». Très large, la définition du secret des affaires engloberait les informations qui 1) sont secrètes 2) ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes 3) ont fait l’objet de dispositions destinées à les garder secrètes. Le non respect du secret des affaires pourrait l’objet de poursuites civiles fixées par l’Etat membre (le volet pénal n’est pas prévu par ce texte européen mais rien n’empêche les Etats-membres de l’ajouter).
Exemple : la révélation d’un scandale tel que celui du Mediator pourrait a priori faire l’objet de poursuites civiles à l’égard de ceux qui ont divulgué ou obtenu des informations.

– En quoi les journalistes son-ils concernés ?
Le projet de directive prévoit plusieurs exceptions à la protection du secret des affaires dont
« l’usage légitime du droit à la liberté d’expression et d’information ». Cela signifie que les journalistes ne devraient pas (en principe) être concernés par le secret des affaires dans l’exercice de leur fonction. Néanmoins, il faudra s’assurer que la transposition par les Etats-membres de cette mesure ne crée pas d’insécurité juridique pour les journalistes et plus généralement n’alimente pas (davantage) les réticences de certains confrères à révéler des affaires justement secrètes par crainte d’être poursuivis en justice par des groupes puissants. De plus, les sources d’information des journalistes sont malmenées par ce texte. La divulgation de secrets d’affaires par des non journalistes ne sera possible que par exceptions (révélation dans l’intérêt public d’une faute, d’une malversation, ou d’une activité illégale). Comment un lanceur d’alertes peut-il être certain, a priori, qu’il agit dans l’intérêt public ? D’où l’intérêt de faire aboutir le projet de loi sur le secret des sources des journalistes (lire le 4) ci-dessous).

– Quel est le processus d’adoption de ce projet de directive ?
Il s’agit d’un texte proposé en novembre 2013 par la Commission européenne. Il a été amendé et adopté le 16 juin 2015 par la commission des affaires juridiques du Parlement européen. Il devra ensuite être adopté par le Conseil de l’Union européenne et par le Parlement européen en séance plénière. Démarrera alors la phase de transposition du texte par chaque Etat-membre. Cela signifie une entrée en vigueur en France au plus tôt en 2017.

Pour en savoir plus

2/Le projet européen de protection des données à caractère personnel: la consécration du droit à l’oubli numérique

– De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de deux textes européens (un projet de directive et un projet de règlement) destinés à renforcer la protection de la vie privée des personnes physiques à l’heure du numérique. Toute personne physique pourrait notamment demander de faire rectifier des informations inexactes ou incomplètes la concernant, de bénéficier du droit à l’oubli numérique et à l’effacement.

– En quoi les journalistes sont-ils concernés ?
Actuellement, le droit à l’oubli numérique n’est pas opposable à la presse. Les projets de texte européens semblent maintenir ce principe. Mais il faut être vigilant sur ce point en s’assurant d’une part que ce dispositif soit conservé définitivement au plan européen et, d’autre part, qu’il sera implémenté dans les textes français. L’enjeu est essentiel pour la liberté d’information. Si l’oubli numérique devient opposable à la presse, les politiques ou les dirigeants d’entreprise, entre autres, pourront demander que des affaires (condamnations, simples mise en cause, etc.) les concernant disparaissent des journaux. De plus, certaines sources d’information risquent d’être asséchées par cette disposition. De nombreux sites en ligne (hors presse) se verront opposer le droit à l’oubli numérique. C’est d’ailleurs déjà le cas depuis une décision historique de 2014. La Cour de justice de l’Union européenne a jugé que l’on peut opposer à Google le droit à l’oubli numérique.

– Où en est le processus d’adoption ?
Les textes proposés par la Commission européenne ont été adoptés, après amendements, par le Parlement européen en 1ère lecture. Ils doivent maintenant l’être par le Conseil de l’Union européenne. Une fois que le Parlement et le Conseil seront d’accord, il restera à transposer dans chaque Etat membre les deux textes. D’où une entrée en vigueur en France au plus tôt en 2017.

> Le projet de directive
> Le projet de règlement

3/Le projet de loi sur le renseignement risque de renforcer la surveillance secrète des journalistes

– De quoi s’agit-il ?
Le gouvernement de Manuel Valls a présenté un projet de loi destiné à légaliser à peu près toutes les techniques de renseignement. Aujourd’hui, il est déjà possible, à la demande du Premier ministre, d’espionner des conversations échangées par téléphone ou par ordinateur (c’est ce qu’on appelle les interceptions de sécurité). Les agents du renseignement peuvent aussi obtenir les données de connexion internet et téléphoniques (appelées aussi métadonnées) : liste des numéros appelés et appelant, durée des conversations, identification des abonnés, etc. Le projet de loi sur le renseignement veut autoriser « l’utilisation de dispositifs techniques permettant la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ou de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ainsi que la captation, la transmission et l’enregistrement de données informatiques ».

– En quoi les journalistes sont-ils concernés ?
Oui. Il n’existe quasiment aucune mesure dérogatoire. Autrement dit, les journalistes peuvent être surveillés comme n’importe qui. Il en est de même pour les avocats, les parlementaires ou encore les magistrats. Et cette surveillance ne sera pas contrôlée a priori. Il suffira au Premier ministre de recueillir l’avis (positif ou négatif) de la future commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) pour pouvoir surveiller n’importe qui.

– Où en est le processus d’adoption ?
Le projet de loi semble satisfaire à la fois l’Assemblée nationale qui l’a adopté sans grands changements et le Sénat qui l’a adopté en 1ère lecture. Les éventuels changements significatifs peuvent davantage provenir du Conseil constitutionnel… s’il est saisi.

Pour en savoir plus

4/Le renforcement de la protection du secret des sources au point mort

– De quoi s’agit-il ?
Déposé en juin 2013 par le gouvernement Ayrault, il s’agit d’un projet de loi destiné à renforcer la protection du secret des sources des journalistes (définition plus stricte des atteintes autorisées au secret des sources, aggravation de la répression des atteintes illégales au secret des sources, etc.) et à créer une immunité pénale en cas de détention par un journaliste de documents issus du délit de violation de secret (professionnel notamment). Ce dernier aspect est d’autant plus important si le projet de directive sur le secret des affaires aboutit.

– Où en est le processus d’adoption ?
Le texte a été examiné par la commission des lois de l’Assemblée nationale au cours du second semestre 2013. Depuis, le travail parlementaire s’est arrêté.

Pour en savoir plus

Prix de l’initiative européenne

Le Prix de l’initiative européenne, organisé par la Maison de l’Europe de Paris, a été décerné le 18 juin dernier à Cartooning for Peace, représenté par Plantu, Eurochannel, représenté par Gustavo Vainstein (président) et aux « Journées Europe » de l’Obs, représentées par Mattieu Croissandeau, (directeur).

Cartooning For Peace est une initiative qui « permet la rencontre de caricaturistes professionnels de toutes les nationalités avec un large public, afin de favoriser les échanges sur la liberté d’expression ainsi que la reconnaissance du travail journalistique des dessinateurs de presse ».

Eurochannel est une chaîne exclusivement consacrée à présenter l’audiovisuel européen dans le monde et qui diffuse 100% de programmes européens, 24H/24 en version originale sous-titrée dans la langue du pays de diffusion. Eurochannel est présente dans 86 pays.

Les « Journées de l’Europe » sont des cycles de débat public qui visent à promouvoir une citoyenneté européenne active.

Les Prix ont été remis par Catherine Lalumière, présidente de la Maison de l’Europe, et par Isabelle Coustet, chef du Bureau d’information pour la France du Parlement européen.

Retrouvez le communiqué de la Maison de l’Europe à Paris >

Concours Génération + d’Economie

La lauréate du Concours Génération + d’Economie est Emilie Guillet, dans la catégorie « lycéen individuel », pour son commentaire du livre L’économie pour toutes, de Jézabel Couppey-Soubbeyran et Marianne Rubinstein.

Dans la catégorie « lycéen collectif », Mira Delahaye, Lauriane Léger et Shirine Ouachani ont été primées pour leur commentaire sur le débat « Entreprises-entrepreneurs ».

Aboutissement de la Journée du Livre d’Economie, ces prix ont été remis le 9 juin 2015 par le président de Fimalac, Marc Ladreit de Lacharrière.