Indispensable pédagogie

Publié le 9 janvier 2007

Par Gérard Mestrallet, Président-directeur général de Suez, président de Paris Europlace

En 1885, Ernest Renan, accueillant Ferdinand de Lesseps à l’Académie française, décrivait un monde où l’espace et le temps se rétrécissaient, où la mondialisation mettait les bourses en réseau. Nous pourrions en reprendre les mots aujourd’hui.

La communication financière vit une mutation très forte. L’accès d’un plus grand nombre d’acteurs aux marchés financiers et le développement des réseaux et des moyens d’informa- tion vont entraîner une accélération de la fréquence de cette information, des modalités nouvelles de publication. C’est un fait. Face à une information de plus en plus complexe et détaillée, il faudra aussi une simplification et une pédagogie accrues. C’est un enjeu essentiel, et le rôle des journalistes économiques et financiers sera primordial.
Mais les investisseurs ont-ils la capacité d’analyser ce flux récurrent d’informations ?

Deux visions s’opposent. La première plaide pour une augmentation de la fréquence des publications: trimestrielle, peut-être bientôt mensuelle ou même disponibilité en temps réel et en ligne. La seconde met l’accent sur la qualité et la profondeur des informations publiées, ainsi que sur la mise en perspective industrielle de ces données. Je m’inscris très clairement dans cette deuxième vision.

Les particuliers se tourneront de manière croissante vers les marchés financiers. Ces nouveaux consommateurs d’information économique auront besoin d’une information compréhensible et toujours plus transparente.

Cela suppose une simplification et une plus grande pédagogie. Par ailleurs, il faut que le débat sur l’information financière sorte des cercles spécialisés.

Je salue à ce titre l’initiative de l’AMF (Autorité des marchés financiers) de créer une école, l’“Institut pour l’éducation financière du public”, visant à rendre accessible à tous les notions financières élémentaires. Un travail important d’éducation doit en effet être entrepris en France, mais également au niveau européen – nos collègues anglais font le même constat que nous – pour enseigner les notions rudimentaires de la finance aux citoyens qui constituent les investisseurs de demain.

Enjeu fort également: la prise en compte du développement durable. J’ai la conviction que l’information financière de l’entreprise se doit d’intégrer des données comptables, financières ou économiques, mais également stratégiques, sociales et environnementales. La notion de développement durable en est un élément clé. Les entreprises devront démontrer leur engagement en publiant des indicateurs, sans doute normés et audités. La transparence en matière de gouvernance d’entreprise, de fonctionnement des organes sociaux et d’éthique, devrait progresser.

Rappelons une évidence : la communication financière vise non seulement à aider l’investisseur à évaluer la performance d’une entreprise, à mettre en adéquation la perception de l’entreprise par le marché avec la sienne propre, mais aussi et d’abord à
évaluer le futur. Dans nos métiers de l’énergie et de l’environnement, 2015, c’est déjà demain. Les décisions d’investissement d’aujourd’hui dans les grandes infrastructures environne- mentales énergétiques détermineront les contours et la performance de l’entreprise sur le long terme.

Il nous faut aujourd’hui trouver l’équilibre entre le temps des marchés, celui des résultats financiers à court terme, et le temps industriel, celui des hommes, des organisations, des inves- tissements pour le futur.