Avec Patrice Caine, PDG de Thales : après cinq années difficiles, le groupe spécialisé dans l’aérospatiale, la défense, les transports et la sécurité reprend des couleurs, mercredi 11 mai à 08H15

Publié le 30 avril 2016

Procope, 13 rue de l’Ancienne Comédie

  • Thales met l’accent sur le civil, un domaine plus fluide et dynamique que la défense
  • Investissements dans la défense : la France est au bord de la falaise
  • L’Etat doit réallouer son capital industriel dans les secteurs où nous pouvons être leaders

Les défis du groupe Thales sont multiformes, rappelle son pdg, Patrice Caine. Il lui faut répondre à 5 grands types de clients (dans la défense, la sécurité, l’aéronautique, le spatial et le transport terrestre). Et, dans un monde interconnecté et interdépendant, bourré de logiciels exigeant une sécurité à la hauteur des menaces de la cybercriminalité, « l’erreur est intolérable ».

Présent dans 56 pays, le groupe compte 60 000 salariés dont 30 000 encore en France et bénéficie d’une « visibilité exceptionnelle sur trois ans » qui lui permet de tabler sur un rythme de croissance de 5% l’an et de viser progressivement une profitabilité à deux chiffres, grâce notamment aux commandes des pays émergents qui ont doublé entre 2012 et 2015 pour atteindre 6 milliards d’euros. Ses activités se répartissent pour 50% dans le domaine de la défense et, « ce qui est moins connu » pour 50% dans le domaine civil, sur lequel Patrice Caine tient à « continuer à mettre l’accent » car les contraintes, notamment en matière de transfert de technologie, y sont moins fortes que dans le domaine de la défense. Un domaine plus fluide et dynamique, compte tenu des besoins des pays émergents.

Les actionnaires soutiennent cette stratégie, car le développement du civil s’annonce « considérable ». Dans les pays émergents mais aussi dans les pays « matures » où tout ce qui est signalisation doit être modernisé. Ainsi, le contrat sur la signalisation du métro de Londres a été de 1 milliards d’euros. Le spatial, par ailleurs « vit une petite révolution », et constitue un domaine très porteur. Et de nouveaux marchés s’ouvrent avec la connectique. Pour les trains, par exemple, le premier marché qui décollera est celui de la Chine, qui part de zéro.

Cette stratégie n’empêche pas Patrice Caine de se féliciter, bien sûr, de la signature d’un méga-contrat de 34 milliards d’euros pour la construction de 12 sous-marins entre l’Australie et le groupe DCNS, spécialiste du naval de défense détenu par l’Etat et Thales. Les discussions sur sa réalisation « commenceront au 1er trimestre 2217 ». Et d’ici à la première livraison de sous-marins, en 2030, il faudra déterminer qui, de la France ou de la Grande Bretagne, obtiendra la commande des sonars, ces « cerveaux » des sous-marins. Thales, présent de longue date en Australie où il compte 3000 salariés, pense être bien placé.

Interrogé sur l’évolution des budgets de défense, Patrice Caine estime que l’Europe est « à un point d’inflexion ». La France, la Grande Bretagne, l’Allemagne ont annoncé une hausse de leurs crédits, « mais cela va prendre des années avant de se traduire en commandes ». En France, « si on descend plus bas, c’est le déclassement. On l’a évité mais on est au bord de la falaise ».

Qu’il s’agisse de la défense ou du civil, la priorité reste l’innovation avec trois axes:

– Des investissements de 2 à 3 milliards par an dont 700 millions sont autofinancés, le solde l’étant par les clients de Thalès. Dans cette « grande usine de R&D » 25 000 salariés et de nombreux data scientists se consacrent à la recherche, en collaboration avec des laboratoires de nombreux pays, du CNRS en France, au MIT, en passant par la Pologne ou Singapour

– Un « écosystème créé avec des entreprises innovantes bien avant que cela ne soit à la mode ». Pour en connaitre les atouts, le pdg de Thalès ne sous-estime pas les difficultés d’être un « intégrateur d’innovation » entre un grand groupe et des PME, même s’il se veut « respectueux » des entreprises de petite taille

– Innover avec le client grâce à des « innovation hubs » permettant de répondre au plus près des besoins de clients, tels les Compagnies aériennes.

Responsable d’un groupe confronté à une concurrence internationale aiguë, comment Patrice Caine juge-t-il la situation de la France et la politique industrielle du gouvernement ? Les Français découvrent que « nulle entreprise n’est immortelle », que ce soit Edf, Areva ou la SNCF souligne-t-il. Avant de plaider pour que l’Etat « réalloue son capital industriel » là où la France peut être leader : l’énergie, le spatial, l’aéronautique, la défense, par exemple, quitte à se désengager de certains secteurs. Il lui revient de « faire des choix sans vouloir tout faire et s’occuper de tout ».Et dans un monde « de plus en plus rapide », tout ce qui permet aux entreprises d’être plus agiles est important. Un discret constat en cette période de polémique sur la loi El Khomri.

F.C.

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